La guerre, c’est la paix. Et la «paix», c’est Trump – qui reprend les livraisons d’armes à l’Ukraine, en attendant son Nobel proposé par le boucher de Gaza. Pour Karine Bechet-Golovko, le storytelling du «Trump pacificateur» s’est effondré. Il est temps pour Moscou de cesser d’y croire.
La position de la Russie face aux États-Unis de Trump est des plus ambiguës : d’un côté, la compréhension de « l’arnaque politique » fait son chemin ; d’un autre côté, l’on sent bien l’espoir secret et toujours présent, refaire surface au détour des déclarations politiques, de la véracité du projet « Trump, le Pacifique ».
Ainsi, Moscou déplore « en même temps » les livraisons d’armes à l’Ukraine, tout en insistant sur le rôle des Européens, et en remerciant Trump pour ses efforts en vue d’un dialogue direct entre la Russie et l’Ukraine... alors que ce même Trump vient de déclarer – ce que confirme le Pentagone – reprendre les livraisons d’armes à l’Ukraine.
Autrement dit, alors que le front était approvisionné jusqu’à l’été, la nouvelle administration pouvait jouer la carte de la suspension des livraisons d’armes pour amadouer la Russie. Désormais, la situation devient tendue, puisque la Russie n’a pas voulu d’un cessez-le-feu unilatéral généralisé sans conditions. La livraison des armes doit reprendre, car il est hors de question de perdre la guerre.
Comme le déclare alors Trump : « Nous allons envoyer quelques armes supplémentaires. Il le faut. [Les Ukrainiens] doivent être en mesure de se défendre. Ils se font attaquer très durement en ce moment » (...). Ainsi, « nous allons devoir envoyer davantage d’armes, des armes défensives, principalement », a prévenu Donald Trump. »
Le discours atlantiste n’a pas bougé d’un pouce : la Russie est l’agresseur, « l’Ukraine » se défend, il faut donc aider « l’Ukraine ». Le déni d’ingérence politique continue sous Trump ; il est même renforcé par le fait que la Russie joue le jeu de l’acceptation de la rhétorique des États-Unis-arbitres, et non pas partie au conflit. Le second mythe fondateur de ce conflit, à savoir l’existence actuelle d’un État ukrainien, n’est d’ailleurs pas remis en cause, ni par les États-Unis, ni par la Russie.
Sur fond de ces déclarations particulièrement agressives des autorités américaines, le porte-parole du Kremlin vient de répondre de manière plus que « conciliante » au sujet des États-Unis : « La Russie pourrait retirer les États-Unis de la liste des pays hostiles à mesure que les relations s’amélioreront », a admis Peskov. Il a souligné que cette liste n’était pas un dogme et qu’elle pouvait être révisée. Le porte-parole du président russe a ajouté que Washington et Moscou disposaient d’un fort potentiel pour relancer leurs relations commerciales et économiques.
Il est évident qu’une fois le conflit terminé, les relations entre les États-Unis et la Russie « s’amélioreront », puisqu’elles reposeront sur de nouvelles bases correspondant au nouveau rapport de forces, qui dépendra principalement non seulement de l’issue du conflit sur le front ukrainien entre les Atlantistes et la Russie, mais aussi de la manière dont ce résultat aura été atteint. Des « négociations » posant un compromis entre les parties ne donneront pas les mêmes cartes à la Russie qu’une véritable victoire sur le terrain, ensuite seulement actée par un traité de paix posant un vainqueur et un perdant.
Or, la traduction de ce discours politico-médiatique « apaisant » devient tellement décalée – à la fois de la réalité sur le terrain et des objectifs affichés de l’Opération militaire – qu’elle est principalement nuisible à la Russie elle-même, autant qu’aux forces politiques nationales en Occident partageant l’idée d’une lutte contre les élites globalistes. Puisqu’en fin de compte, par ce discours, la Russie soutient, contre toute réalité de l’implication directe de l’administration Trump, l’image d’un Trump « pacifiste ».
Nous en arrivons à une situation des plus ubuesques, quand Netanyahou propose dans la foulée Trump pour le Prix Nobel de la paix. Comme l’écrivait Orwell : « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. »
Rien n’a changé. Netanyahou, qui perpètre en toute impunité un génocide contre les Palestiniens et est soutenu par Trump pour rayer Gaza de la surface de la Terre afin d’en faire un nouveau Monaco, propose celui qui entretient toutes les guerres qu’il avait étrangement promis d’arrêter pour obtenir le prix de la paix. Et le monde est censé suivre la marche comme un troupeau ignorant, conduit à l’abattoir.
Puisque dans notre monde, « la guerre, c’est la paix », Trump y serait à sa place. Pour cette paix guerrière. La Pax Americana. Mais ce n’est pas la nôtre.
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