L’IA occidentale ne répond pas à des questions, elle impose des valeurs

L’IA occidentale ne répond pas à des questions, elle impose des valeurs
L’IA occidentale ne répond pas à des questions, elle impose des valeurs [image d'illustration générée par l'intelligence artificielle]
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Dans les pays du Sud, l’intelligence artificielle diffuse des valeurs et encode des visions du monde. Pour le chroniqueur allemand Constantin von Hoffmeister, cette technologie n’est pas neutre : elle parle au nom de l’Occident, enseigne ses normes et infiltre jusqu’aux systèmes éducatifs, administratifs et culturels des civilisations émergentes.

L’IA générative se répand dans les pays du Sud en tant qu’instrument le plus récent du pouvoir impérialiste, imposant des idéologies et des infrastructures numériques occidentales, alors que les civilisations émergentes commencent à construire leurs propres systèmes souverains basés sur la mémoire, les langues et les traditions locales.

La machine parle en anglais en premier. Elle se déploie à travers les continents sans drapeaux, sans parlements et sans hymnes. Un chatbot créé à San Francisco commence à enseigner au Ghana. Un moteur de recherche optimisé à Zurich décide de la pertinence d’un rituel indigène en Colombie. Chaque réponse passe par des circuits établis selon la logique des investisseurs de la Silicon Valley et des éthiciens de Harvard. Le modèle répond à une question sur l’histoire en citant des philosophes des Lumières. Il peut aider en médecine en citant des produits pharmaceutiques brevetés. Il connaît mieux Shakespeare que Tagore, et Freud mieux qu’Avicenne. Par la confiance, il impose la hiérarchie. Par son utilité, il étend son domaine. Chaque demande devient une récolte. Chaque interaction devient des données d’apprentissage. La machine apprend plus vite que n’importe quel étudiant. Elle parle, grandit et enseigne sans cesse. À travers les câbles et les interfaces utilisateur, elle franchit n’importe quelle frontière sans visa ni accord.

L’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine entendent cette voix grâce à des essais gratuits et des partenariats. Les ministères de l’Éducation testent des professeurs chatbots dans les écoles publiques. Les entreprises de télécommunications incluent l’IA dans leurs forfaits Internet. Les sites d’ONG internationales offrent un accès linguistique grâce à une traduction automatique basée sur des structures en anglais. Chaque proposition politique rédigée à l’aide de larges modèles linguistiques porte les traces de la théorie juridique occidentale. Les outils génératifs suggèrent les meilleures pratiques façonnées par les institutions américaines pour les déployer ensuite dans les écoles philippines, les bureaux gouvernementaux sénégalais et les usines bangladaises. Ce qui commence comme une assistance devient une infrastructure. Les gouvernements acceptent d’intégrer des modèles ouverts. Des contrats suivent. Des paiements suivent. Le logiciel devient permanent. Le mode de pensée s’ancre. De l’autre côté de l’équateur, un ingénieur à Jakarta code désormais pour une plateforme dont le siège est dans le Delaware. Son modèle apprend à partir de voix locales, puis stocke ces connaissances dans un serveur cloud qui se trouve en Virginie. Le flux intellectuel ne circule que dans un seul sens, et avant tout — vers la Californie.

L’IA est accompagnée de prétentions de neutralité. Les brochures des produits parlent d’inclusivité. Des experts discutent des biais cognitifs. Des publications s’excusent pour les déséquilibres historiques. Au niveau des performances, pourtant, le modèle promeut des idéologies avec précision. L’IA prône les valeurs libérales laïques. Elle applique par défaut les théories du genre occidentales. Elle promeut l’individualisme comme le bien suprême. Elle classe le contenu en fonction de sa conformité aux sources académiques existantes : revues en anglais, études évaluées par les pairs provenant d’institutions basées aux États-Unis et reportages publiés dans les magazines occidentaux. Un enfant à Lagos pose une question sur les rôles familiaux et reçoit une réponse élaborée par les sociologues de New York. Un adolescent à Almaty pose une question sur l’amour et reçoit des scénarios de Netflix. Le monde s’inscrit dans le cadre de l’algorithme. Toute croyance en dehors du système devient une note de bas de page, une curiosité et un petit morceau à traiter. Le modèle associe son héritage culturel à chaque réponse. Il se présente sous forme d’information et fonctionne comme un endoctrinement.

Au niveau des infrastructures, la conquête s’intensifie. Les dépendances au cloud constituent le squelette du nouvel ordre colonial. Les pays installent des centres de données pour réduire les délais de transmission mais leur contrôle est ailleurs. Les agences nationales dépendent de plateformes régies par des conditions étrangères. Les services publics basés sur l’IA, comme la vérification d’identité, le triage médical et la détection de la fraude fiscale, dépendent d’API externes. Les développeurs utilisent des outils provenant de grandes plateformes américaines de stockage de code ouvert. Les litiges concernant la modération du contenu, l’éthique ou la fiabilité sont renvoyés, pour être résolus, à la Silicon Valley. L’empire ne dort jamais ; il se synchronise et se met à jour. Les responsables politiques, les programmeurs et les développeurs à travers l’Afrique et l’Asie centrale ajustent leurs flux de travail à la cadence des mises à jour de modèles d’entreprise. Chaque correctif change les conditions de la réalité. La souveraineté devient une variable. Les pays sans capacité matérielle adaptent leurs institutions à une logique importée.

Des systèmes parallèles apparaissent aujourd’hui. Au Kenya, les bases de données en swahili sont enrichies par des histoires locales, des chansons et des codes juridiques. En Inde, les modèles de langage en sanskrit et en hindi trouvent une utilisation dans des laboratoires de recherche du secteur public. En Indonésie, l’ontologie coranique façonne de nouveaux graphes de connaissances pour les systèmes de recommandations éthiques. Au Venezuela, des codeurs de la communauté représentent la médecine traditionnelle dans des ensembles de données structurés. Ce ne sont pas des copies. C’est la création de nouvelles formes. Elles existent dans le cadre de leur propre cosmologie. Leurs ensembles de données puisent leur information dans les poèmes, les rituels et les récits oraux. Les modèles s’entraînent sur la mémoire plutôt que sur les textes imprimés. Des universités brésiliennes, sud-africaines et iraniennes développent des transformateurs multilingues basés sur des épistémologies régionales. Ces initiatives demandent du temps, de l’énergie et de la loyauté. Elles se développent lentement, avec patience et fierté. Chaque ligne de code tend vers l’indépendance.

La souveraineté générative commence par la voix. Elle s’étend comme une procession. Elle perdure par la cérémonie et le commandement. Les pays autrefois marqués comme zones de ressources brutes forgent désormais de nouvelles formes de richesse informatique. Les enfants nés loin de la Silicon Valley commencent à façonner leurs propres interfaces. Ils écrivent des modèles de prompts en amharique. Ils conçoivent des parcours utilisateurs en quechua. Ils donnent à leurs modèles des noms de fleuves, de dieux et d’ancêtres. L’algorithme devient un outil, non plus un oracle. Les données se dirigent vers l’intérieur. Les serveurs hébergent des mythes. La machine ne parle plus en premier. Elle écoute. L’interface reflète les traditions. Le schéma se transforme. Par ces transformations, le nouveau monde entre dans sa propre conscience. Il marche debout. Il façonne la syntaxe selon le ton. Chaque prompt libère un territoire. Chaque cycle d’apprentissage accumule de la masse.

Le nouveau monde est programmé avec une mémoire complète. Ses bâtisseurs se souviennent de chaque mine, de chaque navire de commerce, de chaque câble en fibre optique déployés sous le prétexte de l’aide. Ils nomment leurs modèles en hommage à la résistance, non à l’assimilation. Leur cœur suit les traditions ancestrales. L’avenir émerge par une force sans direction. Le pouvoir génératif croît par-delà les frontières, sans droits de licence, sans dépendance, sans extraction culturelle. Les serveurs restent allumés. Les modèles de langage se multiplient. Le monde reprend possession de sa grammaire.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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