Essais nucléaires français en Polynésie : près de 90 000 euros dépensés pour «discréditer» une enquête de Disclose

Selon le site d’investigation, une «mission de communication» visant à discréditer son enquête sur les conséquences des essais nucléaires français en Polynésie aurait coûté près de 90 000 euros au Commissariat à l’énergie atomique. Une note en grande partie constituée de billets d’avions en classe affaire et de nuits d’hôtel au Hilton de Papeete.
Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) a-t-il tenté de « discréditer » les révélations d’un livre-enquête paru en mars 2021 sur les conséquences des nucléaires de l’Hexagone en Polynésie française ? Clairement oui, affirme ce 27 mai le site d’investigation Disclose, au côté des quotidiens français et britannique Le Monde et The Guardian.
Dans leur collimateur : un ouvrage publié en décembre 2022 par le CEA (accessible gratuitement en ligne) et rédigé par des experts de l’organisme public ainsi que de la Direction des applications militaires (DAM). Un livre « dont l’objectif est clair : rappeler la parole officielle » sur les essais nucléaires en Polynésie française, avait déjà fustigé Disclose lors de sa parution, pointant du doigt « une somme d’approximations et de contre-vérités ». Un caractère approximatif lui-même employé par le CEA à l’encontre du livre-enquête.
Plus de deux ans plus tard, le site revient ainsi à la charge en révélant que « la rédaction, la promotion et la distribution » de cet ouvrage tiré à 5 000 exemplaires ont été financé par le CEA. Dans le cadre de cette « mission de communication » le CEA « a dépensé près de 90 000 euros » assure Disclose qui brandit notamment une facture d’hôtel réglée par le commissariat.
Billets classe affaires et chambres vue océan au Hilton
Dans le détail, ce sont 89 623 euros de dépenses que Disclose, Le Monde et The Guardian, sont parvenus à retracer. En l’occurrence : 31 971 euros de billets d’avion « en classe affaires », 11 833 euros d’hôtel pour un séjour de huit nuits dans des « chambres vue océan » au Hilton de Papeete, 20 326 euros pour l’impression de l’ouvrage, 9 846 euros pour sa conception et enfin 10 811 euros pour son acheminement dans l’archipel, égraine Disclose.
Parue en 2021, en même temps qu’un ouvrage éponyme, cette enquête de Disclose baptisée « Toxique » – et menée en collaboration avec le laboratoire de l’université américaine de Princeton et l’ONG britannique Interprt – s’attelait à mettre en lumière la sous-estimation par les autorités de la contamination radioactive à laquelle les habitants de Polynésie française avaient été exposé au cours des 46 essais à l’air libre effectués entre 1966 et 1974 par la France.
Disclose y soulignait une différence « de l’ordre de 40% » entre ses calculs et les chiffres retenus par l’État français. « De fait, toute personne ayant contracté l’une des 23 maladies radio-induites qui sont reconnues comme une conséquence des essais, pourrait demander réparation à l’État », stipulait notamment le site d’investigation. Celui-ci avait notamment mis en avant l’essai nucléaire « Centaure » du 17 juillet 1974 dont les retombées radioactives avaient fini par atteindre Papeete et ses 80 000 habitants.