Karine Bechet, docteur en droit public (France), présidente de l'association Comitas Gentium France-Russie, animatrice du site Russie Politics.

De Ramstein à Budapest : la guerre sous le masque de la paix

De Ramstein à Budapest : la guerre sous le masque de la paix
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De Ramstein à Budapest, la «paix» change de scène mais pas de visage : sous couvert de diplomatie, l’Occident poursuit la guerre par d’autres moyens. Pour Karine Bechet, les Globalistes cherchent moins à dialoguer qu’à acheter du temps, en repoussant une confrontation qu’ils feignent de vouloir éviter avec la Russie.

Selon la formule attribuée tant à Marx qu’à Hegel, « L'histoire se répète deux fois : tout d'abord comme une tragédie, ensuite comme une farce ». Nous sommes bien dans une tragi-comédie.

La résurgence régulière des mêmes méthodes confine au comique de situation et donne un goût de « déjà-vu » aux relations entre Trump et Poutine au sujet de la guerre en Ukraine, puisque les mêmes plats, chaque fois réchauffés, sont régulièrement remis sur la table.

D’un côté, ces coups de téléphone, toujours très cordiaux, toujours très positifs, toujours pleins de promesses, toujours cette volonté de « paix » de Trump. Cela n’étant pas suffisant dans le cadre de cette escalade atlantiste, on en revient à une rencontre bilatérale. L’Alaska avait déjà provoqué une hystérie « pacifiste » dans certains milieux, Budapest doit remplir la même fonction et écarter la question de la victoire de la Russie dans la guerre. Et, comme à chaque fois, des échanges commerciaux qui promettent d’être faramineux – si Trump arrive à « pacifier » la Russie, c’est-à-dire à la faire rentrer au bercail globaliste.

D’un autre côté, ces promesses ne sont qu’en demi-teinte et accompagnées d’un renforcement du front ukrainien, lui, en revanche, bien réel. Comme cela a été remarqué lors de la réunion du groupe « Ramstein » de la cinquantaine de pays soutenant militairement le front ukrainien, le secrétaire américain à la Guerre a fait le déplacement en personne cette fois, et son discours était en parfait accord avec l’appellation de son ministère.

Il a sommé les « Alliés » de mettre la main au portefeuille et de ne pas se contenter de belles déclarations. En ce sens, la contribution à l’OTAN doit passer à 3,5 %, puis à 5 % du PIB. D’ailleurs, les pays qui ne veulent pas « volontairement » se plier à ce diktat américain se trouvent dans le viseur de mesures de rétorsion, comme l’Espagne l’a découvert.

Le Monde global et les États-Unis (notamment de Trump) ne s’inquiètent pas de la nécessité pour les gouvernements nationaux de donner la priorité à leur politique économique ou sociale ; ils ne sont là que pour garantir la suprématie du seul centre de pouvoir « légitime » dans ce paradigme. Sinon, ils sont remis à leur place, qui est celle de laquais. D’ailleurs, quand ils ont le dos bien souple et savent le courber esthétiquement dans de bonnes proportions, ils ont le privilège d’être flattés au collier.

Pete Hegseth a d’ailleurs bien mis les points sur les i en affirmant que, si la Russie n’accepte pas de « négocier la paix » et continue son « agression » sur le front ukrainien, alors les États-Unis entreront plus fermement dans le jeu : « Si nous devons franchir cette étape, le ministère américain de la Guerre est prêt à y contribuer d’une manière que seuls les États-Unis peuvent faire. »

Le slogan « La paix par la force » était le maître mot de la réunion. Une certaine conception de la paix...

Ainsi, le jeu continue à se jouer en deux temps : des promesses vagues et jamais tenues, qui ne pourraient se réaliser que si la Russie « signe la paix », dans le sens atlantiste où elle « arrête son agression », donc si elle capitule. Appelons les choses par leur nom. Car la pression est bien mise sur la Russie, non pas sur l’Ukraine, puisque le front, lui, doit non seulement être approvisionné, mais les pays de l’OTAN doivent acheter encore plus d’armes américaines par l’intermédiaire du programme PURL, qui facilite l’achat d’armement américain par des contributions « volontaires » des pays de l’OTAN.

Le seul point sur lequel Trump a fait marche arrière concerne la question de la livraison de missiles à longue portée Tomahawk à l’armée atlantico-ukrainienne. La Russie avait prévenu que l’entrée de ces armes dans le conflit en modifierait à la fois la configuration et l’intensité. Ne pouvant être maniés que par des militaires américains, les États-Unis deviendraient officiellement partie au conflit, et la « guerre de Biden » deviendrait la « guerre de Trump » – autrement dit, la Russie cesserait de délicatement détourner le regard de son voisin américain. Sans oublier que ces missiles peuvent porter des ogives nucléaires et qu’une fois en vol, la Russie ne peut pas savoir de quelle ogive il s’agit. Sa réponse devra alors être adéquate.

Le risque d’escalade était trop grand, comparé à l’avantage – lui très relatif – qui pouvait être procuré aux Atlantistes sur le champ de bataille.

Faisant un pas en arrière, car ne voulant pas formellement reconnaître une confrontation directe avec son « ami », dirigeant un « tigre de papier » mais un tigre quand même, qui, de surcroît, le déçoit régulièrement, le président américain est revenu dans son jeu habituel. Et tout en annonçant cette décision sur le ton de la plaisanterie, il n’a pas manqué de vouloir ridiculiser « son ami » devant les caméras.

Trump ne cesse de parler de « paix », car il ne peut, dans le rôle qui lui a été dévolu, parler ouvertement de la capitulation de la Russie. Personne ne doute que les États-Unis n’ont absolument pas l’intention d’abandonner le front ukrainien. Les atlantistes ne peuvent se permettre la désertion : ils perdraient la face et donc leur pouvoir.

La tromperie et la pression restent la ligne dominante de leur stratégie, notamment la tentative d’étranglement économique de la Russie, en exerçant une pression sur les pays des BRICS dans le domaine du commerce des hydrocarbures russes. Ce qui est évidemment un comportement amical. Parallèlement, de putatifs juteux contrats, mais après la capitulation – pardon, « la paix ». C’est-à-dire quand les États-Unis n’auront aucune raison de tenir leurs promesses et la Russie aucune force pour les y contraindre.

Combien coûte la Russie et est-elle à vendre ? Là est bien la question. Elle a déjà été vendue une fois, dans les années 1990, à McDonald’s, ce qui lui a coûté très cher.

La rencontre, qui doit se dérouler prochainement à Budapest, va continuer le cycle des pressions. En attendre « la paix dans le monde » serait pour le moins naïf. Trump n’a pas l’intention de faire de cadeaux à Poutine ni de lui offrir la victoire. D’ailleurs, le fait que, finalement, la visite en retour ne se déroule pas en Russie mais en Hongrie, alors que cela avait été annoncé pour calmer la surprise de voir Poutine se rendre en Alaska, le démontre bien. Soulignons que la Hongrie a voté les sanctions européennes contre la Russie. Poutine, de son côté, n’a pas l’intention de vendre la Russie.

C’est une impasse diplomatique, si le but est réellement de rechercher une paix stratégique. Mais, comme tel n’est pas le cas, c’est un épisode de plus sur le front politico-diplomatique.

Mais le clan « des négociateurs atlantistes » se retrouve renforcé par la répétition de ce spectacle, ce qui est particulièrement nocif pour la Russie. Le préjudice est significatif à l’intérieur du pays, puisque l’on peut se demander quels intérêts ces élites très particulières défendent in fine, ce qui augmente la distance entre la population — où de plus en plus de volontaires s’engagent sur le front pour défendre l’intérêt national russe les armes à la main — et les élites politiques russes, dans la plus pure logique néolibérale. Ce préjudice est également conséquent à l’international, car chacun parle de « paix », sans ô grand jamais oser demander de « quelle paix » il s’agit, et, évidemment, Orban ne se permet, devant le Chef (entendre Trump), qui lui fait l’honneur de sa visite, d’exprimer la question de la victoire de la Russie contre les Globalistes. D’ailleurs, comment justifierait-il alors le vote des sanctions anti-russes ?

À ce rythme-là, la « victoire » va devenir un gros mot. En tout cas, lorsqu’il est accolé à « Russie ». Est-ce réellement de l’intérêt de la Russie que de jouer selon des règles qui lui sont imposées et que, finalement, elle ne maîtrise pas ?

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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