Palestine : tragédie au Proche-Orient, comédie en Europe

Palestine : tragédie au Proche-Orient, comédie en Europe
Palestine : tragédie au Proche-Orient, comédie en Europe [image d'illustration générée par l'intelligence artificielle]
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Fiodor Loukianov, rédacteur en chef du magazine «La Russie dans les affaires mondiales», voit dans la reconnaissance européenne de l’État palestinien une gesticulation sans effet réel. Pour lui, cette initiative masque l’impuissance stratégique du vieux continent, incapable d’influer sur le conflit et réduit à une comédie politique intérieure.

Les grandes puissances occidentales – la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie et plusieurs membres de l’UE sous la conduite de la France – ont décidé de faire preuve de largesse politique en reconnaissant l’État palestinien.

Pour justifier leur décision, elles assurent qu’il est inadmissible de renoncer au principe des deux États, juif et arabe, dans la Palestine historique, elles mettent en avant les droits légitimes du peuple palestinien, la prévention de la violence en tant que méthode, etc. Les observateurs y voient une avancée décisive à la lumière de l’incendie qui ravage le Moyen-Orient. L’Autorité nationale palestinienne souligne que ces décisions viennent couronner des années d’efforts diplomatiques acharnés. Israël, de son côté, les qualifie de récompense au terrorisme et d’entrave aux négociations sur la libération des otages.

Tous, cependant, biaisent, chose normale en politique. Le problème est ailleurs : cette mesure ne donnera assurément aucun effet positif. Dans le meilleur des cas, elle ne sera que nominale, au pire, elle aggravera la situation générale, et peut-être pas seulement dans la région.

Il appartient aux historiens de l’avenir de juger s’il y a existé un jour, depuis le milieu du XXe siècle, une chance de créer deux États sur un territoire que chaque peuple considère n’appartenant historiquement et moralement qu’à lui. Aujourd’hui, il semble que non.

Si l’on se réfère à la dernière tentative, les accords d’Oslo de la fin du XXᵉ siècle, force est de constater rétrospectivement qu’ils n’offraient guère de perspectives réelles. Entre le début des années 1990 et le début des années 2000, la diplomatie internationale s’est pourtant largement investie dans la recherche d’un règlement.

Seuls les spécialistes savent quels intérêts et quels acteurs étaient en jeu, mais le contexte idéologique est clair. Dans l’euphorie de la grande victoire du monde libre sur l’URSS, on estimait que la réorganisation de l’ordre mondial et le règlement des conflits persistants ne relevaient plus que de la technique. Après tout, plus rien ne semblait empêcher le « bon côté de l’histoire » de triompher définitivement du « mauvais ».

Le résultat a parfois semblé à portée de main : il ne restait plus qu’à s’entendre sur des questions relativement techniques, à consentir quelques concessions non essentielles. Et lorsque tout échouait de nouveau, on reprochait aux parties leur absence de clairvoyance et le poids excessif des facteurs subjectifs et personnels. Avec le recul, il est clair qu’aussi bien les aspects techniques que subjectifs n’étaient que les phénomènes d’un conflit insoluble, nourri de contradictions religieuses, historiques, sociales et géopolitiques.

Quoi qu’il en soit, il y a 25 à 30 ans, même des acteurs ouvertement mercantiles et cyniques envisageaient encore la possibilité d’accords.

L’activisme des médiateurs, principalement américains et européens, avait alors une réelle portée. Il ne reste désormais plus trace de ces possibilités, les relations internationales d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec celles d’autrefois. Les actions d’Israël en offrent l’illustration la plus manifeste : l’État hébreu ne mise plus désormais que sur la force. En réalité, il ne fait que refléter, de manière particulièrement éloquente, l’esprit qui s’est imposé après le « nouvel ordre libéral mondial ». Le ressort comprimé se détend partout, en premier lieu dans son berceau, aux États-Unis.

Les actions de l’Europe, ainsi que de l’Australie et du Canada qui s’y sont ralliés, n’ont aucune portée du point de vue du règlement du conflit israélo-palestinien. Elles n’ajoutent ni à la capacité institutionnelle ni à la légitimité de l’Autorité nationale palestinienne.

Exercent-elles une pression morale et psychologique sur Israël ? Tel Aviv et Jérusalem-Ouest ont déjà prouvé que cela ne fonctionnait pas. L’effet pourrait être inverse, accélérant les tentatives non seulement d’occupation de Gaza mais aussi d’annexion de facto de la Cisjordanie. Étant donné que les États-Unis ne participent pas à cette pression exercée sur Israël, bien au contraire, et que les pays arabes voisins de la région se préoccupent avant tout de leur propre sécurité et de leur tranquillité, il ne faut pas s’attendre à d’autres obstacles que la résistance des Palestiniens eux-mêmes.

Les pays qui déclarent aujourd’hui reconnaître la Palestine cherchent à résoudre leurs problèmes internes. Les problèmes socio-économiques se multiplient partout. Le sujet israélo-palestinien est assez chaud, compte tenu du poids des musulmans dans les sociétés occidentales. Mais il vaut mieux en débattre que des questions de plus en plus épineuses liées à la prospérité et à l’État-providence. D’autant plus que ces questions sont sans réponse. La deuxième raison réside dans l’insignifiance stratégique de l’Europe, de plus en plus évidente pour les observateurs européens, son influence sur les affaires mondiales se réduisant de façon catastrophique. Il est impossible de le cacher par des slogans et des appels forts à se préparer à la guerre avec la Russie. Après tout, soit l’Europe se montre incapable de définir une ligne efficace sur aucune des questions de principe, soit elle s’aligne sur la position des États-Unis qui, dans la plupart des cas, est inutile et désavantageuse pour elle.

D’où la nécessité de prendre des décisions pseudo-stratégiques audacieuses. Peu importe à quoi elles aboutiront, le vieux continent ne se projette plus aussi loin dans l’avenir. Un exemple récent et frappant est l’intention des pays européens de faire rétablir les sanctions de l’ONU contre l’Iran. À quoi bon, et pour quelles conséquences à l’étape suivante, aucune importance. Ce qu’il faut, c’est imiter l’engagement. 

La question palestinienne ne disparaîtra pas, elle ne sera pas résolue par la force, pas plus qu’elle ne l’a été par la diplomatie.

Il faudra bien faire quelque chose, car l’incendie du Proche-Orient concerne ou concernera bien des gens. Toutefois, il faudra pour cela une approche nouvelle, sérieuse et adaptée, et non le spectacle donné par les acteurs plutôt médiocres de la scène politique européenne.

L'article a été initialement publié en russe dans le magazine « La Russie dans les affaires mondiales » et traduit en français par l'équipe de RT. 

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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