Le 8 septembre, Bayrou joue son fauteuil à Matignon. Mais pour Jacques Frantz, la survie ou la chute du Premier ministre importe peu : la France s’enfonce dans la crise, avec ou sans lui.
Depuis trois jours, la France s’évertue à nous créer un psychodrame politique dont elle a le secret. À ceux qui y voient qu’un énième soubresaut d’une démocratie en phase terminale, on ne peut que donner raison. Parce qu’à y regarder de plus près, on se demande bien ce qui pousse François Bayrou à se faire hara-kiri alors que son seul but dans la vie, ce à quoi il a voué toute son existence, était d’occuper les fonctions les plus hautes possible le plus longtemps possible.
François Bayrou n’a en effet pas d’autre idéal dans la vie que « François Bayrou ». Dès sa première prise de fonction en tant qu’élu local, le Premier ministre béarnais n’a eu en ligne de mire que la fonction suprême. François Bayrou a toute sa vie aspiré à devenir président de la République. Malheureusement pour lui, il y a beaucoup d’appelés et, même si le calamiteux Jacques Chirac a ramené le mandat du président à cinq ans, bien peu d’élus.
Ainsi, même s’il faut être très prudent quand on prévoit l’avenir, le locataire de Matignon doit se faire une raison : la fonction de Premier ministre est probablement la plus haute qu’il occupera. Vous me direz : c’est déjà pas mal ! Certes, mais quand on s’estime à la hauteur à laquelle s’estime François Bayrou, on est insatiable. La démocratie, en effet, ne produit que ce genre de gens. Par conséquent, Bayrou, n’ayant dès lors aucune autre ambition que durer, pourquoi jouerait-il son va-tout, son « ça passe ou ça casse » au risque de n’être plus rien le 8 septembre au soir ? Pour le bien du pays ? Pour sortir de l’impasse ? À d’autres !
Voilà pourquoi, à titre personnel, j’ai de la peine à croire à une fin aussi pitoyable. Certes, non contents d’être de véritables parasites, nos politiciens sont aussi des joueurs. Après tout, ils jouent avec l’argent des citoyens qu’ils méprisent. À quoi joue donc Bayrou ? Eh bien, tout l’été, pendant que la cigale chantait et pendant que Mme Michu écoutait BFM lui parler de canicule, Bayrou travaillait. À améliorer la vie des Français ? Pensez-vous ! Il travaillait à la mise au point d’une formule magique qui lui permettrait de ne pas se faire blackbouler par le Parlement à la rentrée. Ainsi, postes et breloques ont été distribués en toute discrétion dans l’espoir de passer en force le 8 septembre. La grenade est maintenant dégoupillée et les dés jetés.
Ainsi, celui qui ne deviendra jamais Henri IV pourrait bien, au soir du 8 septembre, demeurer Sully. Avec 3 500 milliards de dette, la comparaison s’arrête là. Mais sachant que dans tous les cas le vote sera serré, le cinquième Premier ministre de Macron pourrait bien sauver son fauteuil.
Sur le fond, cela ne résoudra rien. La dette continuera d’augmenter, le tissu industriel et social continuera de se déliter et le fossé entre « gens aisés » et « gens aidés » continuera de se creuser. Mais François Bayrou, lui, restera en poste, et c’est le plus important.
Je suis donc moins catégorique que la plupart des observateurs et me refuse à enterrer trop vite le viel ours des Pyrénées. En plus, si d’aventure Bayrou gagnait son pari, l’extrême gauche, qui compte sur l’agitation du 10 septembre pour faire parler d’elle, risque de prendre un sérieux coup derrière les oreilles. Du reste, il est impossible de penser que Bayrou n’a pas mis cet élément-là dans l’équation. Toujours est-il qu’avec ou sans Bayrou, et quel que soit le résultat au soir du 8 septembre, rien ne résoudra la crise profonde dans laquelle Macron et sa clique s’évertuent à enfoncer notre pauvre pays.
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