Ukraine : Macron est-il capable d’offrir quelque chose de significatif ?

Ukraine : Macron est-il capable d’offrir quelque chose de significatif ?
Ukraine : Macron est-il capable d’offrir quelque chose de significatif ? [illustration générée par l'intelligence artificielle]
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Le politologue et docteur en sciences politiques Dmitri Evstafiev analyse les thématiques et les résultats de l’entretien téléphonique entre les présidents Vladimir Poutine et Emmanuel Macron.

L’entretien téléphonique entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron du 1er juillet, portant sur un large éventail de questions jugées substantielles par les deux parties, était à la fois assez attendu et inattendu.

Il était attendu parce que depuis au moins la fin mai 2025, lorsqu’il était devenu clair que « le plan de Trump » pour l’Ukraine avait échoué, les responsables politiques européens ne cessaient de parler de la nécessité de rétablir les contacts avec Moscou. Des contacts qui avaient été presque entièrement rompus par les Européens (à la différence des contacts avec les Américains) au début de l’opération militaire spéciale dans l’espoir de voir s’effondrer non seulement l’économie, mais aussi le système politique en Russie.

Depuis qu'Israël a déclenché une guerre contre l’Iran, les discussions sur ce sujet sont passées de simples « avis » d'experts politiques à un niveau purement politique. Il suffit de se souvenir de l’interview, qui a fait sensation, du président slovaque Peter Pellegrini qui reconnaissait clairement la nécessité d’avoir malgré tout un dialogue avec Moscou. Il a même fait des propositions sur qui pourrait entamer ce dialogue avec le Kremlin au nom de l’UE.

Ce qui était inattendu, c’est qu’Emmanuel Macron, qui avait largement contribué à attiser l’hystérie antirusse, ait été le médiateur de l’Europe dans ce dialogue. Bien entendu, le président russe a à plusieurs reprises souligné sa volonté de dialoguer avec tout représentant de l’Occident, à condition que ce dernier accepte les objectifs déclarés de l’opération militaire spéciale et les positions de base de Moscou.

Pourtant, entamer un dialogue avec le président russe est certainement un grand défi pour Emmanuel Macron. Pourquoi a-t-il tout de même osé briser « le complot de l’isolement [de la Russie] » instauré par des pays et des bureaucrates européens qui ne sont évidemment pas contents de ce qui s’est passé ?

L’entretien téléphonique entre les dirigeants russe et français ne peut qu’être salué. Il faut pourtant comprendre les raisons qui ont poussé Emmanuel Macron à passer à l’acte.

Au niveau macro, la volonté des Européens de rétablir les contacts avec Moscou s’explique par deux aspects : d’une part, ils ont compris que non seulement « le plan A » (l’effondrement rapide de l’économie russe) mais aussi « le plan B » (l’étouffement progressif de la Russie par l’escalade des déséquilibres socio-économiques) avaient échoué. Cela ne signifie pas que les Européens aient accepté la réalité selon laquelle la Russie est le plus important acteur géopolitique, mais il est évident qu’ils cherchent tous – à l’exception des plus ardents comme Friedrich Merz, Ursula von der Leyen et des élites des pays baltes limitrophes de la Russie – des moyens de coexister pacifiquement avec la Russie et de « geler un peu la confrontation ». En tout cas jusqu’au moment où l’Europe sera en mesure de procéder à une nouvelle vague de confrontation avec Moscou à un autre niveau de potentiel militaro-économique. Et le calendrier est déjà fixé : 2028-2030.

D’autre part, les politiciens les plus cyniques mais raisonnables comprennent bien que rester seuls avec Donald Trump les prive de la possibilité d’influencer certains processus dans lesquels le président américain proclame son autorité. Il ne s’agit pas seulement du processus de paix, mais aussi de la situation au Moyen-Orient dans laquelle les Européens, à l’exception de Londres qui, bien sûr, agit en belliciste, ont été tenus à l’écart des négociations. Cela concerne également un large éventail de situations qui touchent les intérêts géoéconomiques les plus importants de l’Europe : de sa présence sur les marchés méditerranéens à ses relations avec la Chine.

Il serait raisonnable d’inclure Moscou dans une ou plusieurs équations géopolitiques permettant de renforcer les positions de l’Europe dans les processus de négociations avec les États-Unis et la Chine et sur le Moyen-Orient, l’Ukraine et même les Balkans.

C’est tout simplement impossible si la porte reste fermée aux contacts avec Moscou, pas au niveau opérationnel, mais au plus haut niveau.

Hasardons-nous à supposer que les questions centrales de la conversation téléphonique ont toujours été le problème du règlement au Moyen-Orient et du contrôle du programme nucléaire iranien, ainsi que la prévention de la reprise du conflit dans la région.

La France, traditionnellement présente politiquement et économiquement au Levant (et même, selon diverses estimations d’experts, ayant aidé Israël à fabriquer des armes nucléaires prétendument inexistantes), pourrait perdre ses derniers lambeaux d’influence.

Surtout si la déstabilisation suit un scénario dont la logique de base serait l’effondrement de l’Iran par des causes ethniques et religieuses. Ce qui ne convient pas non plus à la France, ni à l’Europe dans son ensemble qui a longtemps tenté d’établir des relations économiques de partenariat avec l’Iran.

En réalité, la question la plus brûlante pour l’UE est l’Ukraine. Pour Macron, quoi qu’il dise publiquement, la situation militaire et politique du régime de Kiev n’est pas un secret. L’Europe en général et la France en particulier ont misé stratégiquement sur le maintien de l’Ukraine comme un instrument contre la Russie. Or, pour l’instant, la survie de cet actif géopolitique devient de plus en plus problématique. Pour les Européens, dans un contexte où Donald Trump manifeste ouvertement son souhait de faire évoluer la situation en une guerre purement européenne, une « trêve pacifique » dans cette région serait extrêmement importante. Donc, à bien des égards, la conversation entre le président russe et Macron est un résultat collatéral du récent sommet de l’OTAN de La Haye. Le problème est que, en ce qui concerne l’Ukraine, il est peu probable que le dirigeant français puisse aujourd’hui offrir à Moscou quelque chose d’autre que des déclarations politiques.

Pour Macron, il y a bien sûr aussi un aspect personnel. Dans l’interview de Pellegrini mentionnée ci-dessus, Giorgia Meloni, Présidente du Conseil italien, était désignée comme un des facilitateurs potentiels [dans des négociations] avec Moscou, son principal avantage concurrentiel étant une bonne relation avec Trump. Mis à part la question de savoir si Meloni est en principe faite pour être facilitatrice, notons ce qui suit : une telle phrase est humiliante pour les « grands » européens et pourrait bien jouer un rôle de catalyseur d’une décision politique vers une reprise des contacts.

Ici, Macron, en tant que premier facilitateur pour Moscou, semble tout à fait convenable : en fin de compte, de tous les dirigeants de la « coalition des impuissants » – la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la Pologne – objectivement, il a moins que quiconque franchi les limites de la russophobie politique.

En outre, il s’est distingué par sa fronde politique à l’égard de Trump.

Friedrich Merz, contrairement à Macron, a choisi le rôle du « méchant de l’Europe », ce qui ne fait qu’aggraver la situation. Keir Starmer dirige le pays le plus agressif envers la Russie, contrôlant en fait le régime de Zelensky. Andrzej Duda est une figure politique sortante, à la fois au sens officiel (il quitte bientôt ses fonctions de président polonais) et dans les faits : la russophobie politique aussi pathologique que celle de Duda est passée de mode. Macron, dans ce contexte, convient parfaitement pour le rôle de bon flic.

Deux questions à poser forcément persistent. Tout d’abord, Macron n’est-il entré en contact avec Moscou que de sa propre initiative ou y a-t-il derrière lui un acteur européen sérieux ? Et deuxièmement, Macron est-il capable, en raison de nombreuses qualités personnelles, d’offrir quelque chose de significatif, sans s'autocongratuler et tomber dans le narcissisme ? Ou tout se limitera-t-il à « ouvrir la voie » aux contacts ?

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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