Mikhaïl Rostovsky, chroniqueur du Moskovsky Komsomolets, voit dans l’offensive israélienne contre l’Iran un remake glaçant de l’invasion américaine de l’Irak. À l’époque, Colin Powell brandissait des «preuves» inexistantes ; aujourd’hui, les scénarios semblent étrangement familiers.
En exclusivité sur la chaîne américaine CNN : « Non seulement l’Iran ne travaille pas activement à la création d’armes nucléaires, mais il n’est qu’à trois ans de pouvoir les produire et les envoyer sur la cible de son choix. »
Vu le nombre de fois où ils ont déjà été cités, je me suis juré de ne pas reprendre ces célèbres mots de Hegel : « L’histoire se répète toujours deux fois, la première comme une tragédie, la seconde comme une farce. » Il y a pourtant des situations où il est tout simplement impossible de s’en passer. Cependant, la vie se charge parfois de corriger cette formule de Hegel : encore et encore, nous sommes confrontés à une farce qui débouche ensuite sur une tragédie.
Le 5 février 2003, le secrétaire d’État américain Colin Powell s’est exprimé devant le Conseil de sécurité de l’ONU : « Les faits et le comportement de l’Irak montrent que Saddam Hussein et son régime ont dissimulé leurs efforts pour produire davantage d’armes de destruction massive… Je vous déclare que chacune des affirmations que je fais aujourd’hui s’appuie sur des sources, des sources solides. Ce ne sont pas de simples affirmations, mais des faits et des conclusions étayées sur des renseignements sérieux. »
Et voici le même Colin Powell quelques années plus tard : « Je regrette bien sûr mon discours à l’ONU... Mais à l’époque, nous pensions que les informations étaient exactes. Le président pensait qu’elles étaient exactes. Le Congrès pensait qu’elles étaient exactes... Bien sûr, je regrette qu’une grande partie de ces informations se soit révélée fausse. »
On dit que reconnaître ses erreurs est un premier pas pour s’amender. Mais lorsque Colin Powell a présenté ses excuses publiques pour la plus grande erreur de sa carrière, il était déjà trop tard pour corriger quoi que ce soit. L’argument selon lequel « Saddam Hussein fabrique des armes de destruction massive » a servi de prétexte à l’invasion américaine en Irak, qui s’est transformée en véritable catastrophe, tant pour l’Irak que pour les États-Unis eux-mêmes. Sans vouloir jouer les Cassandre, le parallèle historique saute aux yeux.
Je citerai la célèbre déclaration de Donald Rumsfeld, secrétaire à la Défense des États-Unis pendant l’invasion américaine de l’Irak et collègue de Colin Powell dans l’administration de George W. Bush : « Il y a le connu connu, c’est-à-dire les choses que nous savons que nous savons ; nous savons aussi qu'il y a l'inconnu connu, c’est-à-dire les choses que nous savons que nous ne savons pas ; mais il y a aussi l'inconnu inconnu — les choses que nous ne savons pas que nous ne savons pas. »
Il n’est pas facile de comprendre le sens des propos tenus à l’époque par le secrétaire américain à la Défense, mais cela en vaut la peine. La déclaration de Rumsfeld n’est pas seulement pertinente pour expliquer pourquoi l’invasion américaine de l’Irak en 2003 est entrée dans l’histoire comme un fiasco majeur. Elle est encore plus pertinente dans le contexte de la situation actuelle au Moyen-Orient en 2025, surtout en tant qu’avertissement.
Je soupçonne que les « auteurs » et les partisans de l’attaque israélienne contre l’Iran ne seront guère d’accord avec l’idée que je défends ici. Mais Colin Powell n’a pas non plus immédiatement conclu qu’il devait présenter des excuses. Pendant un certain temps en 2003, l’invasion de l’Irak a été considérée comme un véritable triomphe pour la politique étrangère américaine.
Voici le discours prononcé par le président George W. Bush à bord du porte-avions américain Abraham Lincoln le 1er mai 2003 : « Dans cette bataille, nous avons combattu pour la liberté et pour la paix dans le monde. Notre peuple et notre coalition sont fiers de cette réalisation. Mais c’est vous, les militaires américains, qui l’avez assurée. Votre courage, votre volonté d’affronter le danger pour votre pays et pour vos camarades d’armes ont rendu ce jour possible. Grâce à vous, notre peuple est en plus grande sécurité. Grâce à vous, le tyran a été renversé et l’Irak est libre. »
Il semble qu’en juin 2025, Benjamin Netanyahou emploie le même rédacteur de discours que George W. Bush il y a 22 ans. Voici le message du Premier ministre israélien au peuple iranien : « L’objectif de l’opération israélienne est d’éliminer la menace des armes nucléaires et des missiles. En avançant vers notre objectif, nous vous ouvrons également la voie vers la liberté... Il est temps pour vous de vous unir sous une même bannière et de lutter pour votre liberté contre ce régime malfaisant et répressif. »
En 2003, une approche américaine similaire a échoué en Irak.
La question est alors la suivante : pourquoi une stratégie israélienne identique devrait-elle réussir en 2025 contre l’Iran, un pays qui est, à tous égards, beaucoup plus grand que l’Irak ? L’Irak compte plus de 46 millions d’habitants (34ᵉ place dans le monde), tandis que l’Iran en compte près de 86 millions (17ᵉ place dans le monde). La superficie de l’Irak est de 438 317 km², tandis que celle de l’Iran est de 1 648 195 km².
La réponse est évidente : Israël veut entraîner les États-Unis et d’autres pays occidentaux dans sa campagne militaire. Mais ici, nous commençons à tourner en rond : l’aventure irakienne lancée en 2003 était également une « entreprise conjointe » de tout l’Occident. Bien sûr, les similitudes historiques ne sont qu’un des facteurs à prendre en compte lors de l’analyse de la situation politique actuelle. Mais elles ne doivent pas non plus être ignorées, surtout si elles sont nombreuses. Aujourd’hui, elles ne sont pas seulement nombreuses, elles sont très nombreuses.
Colin Powell est décédé en 2021, mais sa cause est toujours vivante. Je doute pourtant que cela aurait plu à l’ancien secrétaire d’État américain. Ce n’est certainement pas la « réussite » avec laquelle on a envie d’entrer dans l’histoire.
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