Des salles de cours soviétiques aux palais présidentiels : comment l’URSS a formé les dirigeants africains

Des salles de cours soviétiques aux palais présidentiels : comment l’URSS a formé les dirigeants africains
Photo d'illustration.
Suivez RT en français surTelegram

Pendant des décennies, l’enseignement a été un lien puissant entre la Russie et l’Afrique, façonnant des générations de professionnels et de dirigeants. L’investissement de l'URSS dans l’échange international des connaissances a jeté les bases d’un partenariat et, aujourd’hui, la Russie continue d’attirer un nombre croissant d’étudiants africains.

Plus qu’un lieu d’enseignement supérieur, la Russie offre une accessibilité, une excellence académique et un solide réseau de diplômés qui agissent en tant qu’ambassadeurs culturels et professionnels. Il est intéressant de noter que les recommandations personnelles alimentées par la nostalgie, l’expérience commune et un profond lien émotionnel jouent un rôle crucial pour influencer les nouveaux candidats, prouvant que l’enseignement ne se limite pas à la connaissance, mais qu’il s’agit également de liens durables.

« Tu devrais commencer par connaître l’Union Soviétique »

Pour de nombreux étudiants africains, faire leurs études en Russie n’est pas seulement un choix personnel, c’est un héritage transmis de génération en génération. Les camarades plus âgés et les anciens étudiants qui ont déjà suivi le même chemin recommandent volontiers leurs universités, créant ainsi des diasporas soudées dans les établissements d’enseignement russes. Ils constituent un « capital » important pour la Russie, car ils deviennent porteurs de la marque culturelle et éducative russe, et participent souvent de manière active aux échanges éducatifs et scientifiques.

Des salles de cours soviétiques aux palais présidentiels : comment l’URSS a formé les dirigeants africains Source: Sputnik
PHOTO D’ARCHIVES. Étudiants africains à l’Université d’État Lomonossov de Moscou. 5 Mai 1961.

Le Dr Issa Togo, du Mali, aujourd’hui professeur associé à l’Institut d’ingénierie civile de Saint-Pétersbourg, qui avait autrefois de nombreuses options, mais a choisi l’URSS, se souvient : « Je ne savais presque rien de l’URSS. Je n’avais qu’une idée générale du socialisme et du capitalisme. Si je l’avais souhaité, j’aurais pu poursuivre mes études en France, en Italie ou en Allemagne. Mais mon choix a été influencé en partie par le conseil de mon frère: “Tu auras toujours la chance de visiter ces pays. Tu devrais commencer par connaître l’Union Soviétique”. »

Son jeune compatriote Brahima Togola, qui depuis ses années d’école était lié à la langue russe et à la Russie, et est maintenant diplômé de l’Université d’État russe des sciences humaines (RGGU), explique son choix par le fait qu’il était entouré de « nombreux amis de la famille qui, à l’époque, occupaient des fonctions publiques dans le pays et avaient reçu une formation en Union soviétique ». Ils partageaient leurs souvenirs et parlaient du « patriotisme et de la culture russes » en décrivant le climat, le métro de Moscou et la Place rouge.

Aujourd’hui, environ 35 000 étudiants africains suivent une formation en Russie, dont la plupart sont inscrits par l’entremise de bourses qui couvrent non seulement les frais de scolarité, mais aussi l’hébergement en dortoir et offrent une allocation mensuelle. Au cours de l’année universitaire 2025/26, la Russie allouera 4 816 bourses à des étudiants africains, soit un peu plus que les 4 746 places de l’année universitaire 2024/25. L’an dernier, 14 000 candidats y ont postulé, soit 2,7 candidats par place. En 2025, le plus grand nombre de bourses ira à des candidats originaires d’Égypte, d’Algérie, d’Angola, du Tchad, du Mali, du Congo, du Nigéria, de Zambie, du Bénin, de Guinée et du Zimbabwe.

Selon Rossotroudnitchestvo, l’agence russe en charge de la coopération internationale, les filières de formation les plus populaires sont la médecine, l’économie, les technologies de l’information, les relations internationales, le pétrole et le gaz, ainsi que la construction. Les étudiants africains sont admis dans les principales universités russes, l’Université russe de l’Amitié entre les peuples (RUDN) étant traditionnellement en tête, suivie de l’Université d’État de Saint-Pétersbourg, de la Première Université médicale d’État de Moscou Setchenov, de l’Université technique d’État de Moscou Bauman et d’autres.

 

Des salles de cours soviétiques aux palais présidentiels : comment l’URSS a formé les dirigeants africains© Vladimir Minkévitch Source: Sputnik
PHOTO D’ARCHIVES. Étudiants étrangers à l’Université de l’Amitié entre les peuples Patrice Lumumba. 1er juillet 1963.

Comment l’URSS a formé l’élite professionnelle africaine

De 1960 à 1992, l’URSS a formé plus de 40 000 professionnels qualifiés de l’Afrique subsaharienne. La majorité des étudiants, 87 %, ont fait des études supérieures, dans des universités et des instituts de différentes républiques soviétiques. La plupart des diplômés africains ont étudié dans des établissements situés dans la république socialiste fédérative soviétique de Russie et la république socialiste soviétique d’Ukraine.

Dans l’enseignement soviétique, les Africains appréciaient les spécialités appliquées qui pourraient faire d’eux des professionnels très recherchés dans leurs pays d’origine. Les professions de techniciens et d’ingénieur étaient les plus populaires, suivies par l’agriculture, la médecine vétérinaire et la médecine. Cette dernière en particulier était la filière la plus prisée par les étudiants de troisième cycle.

Les statistiques des dernières années de l’URSS, de 1980 à 1991, montrent quels pays africains envoyaient le plus d’étudiants en URSS, à savoir l’Éthiopie, le Congo, Madagascar, le Nigeria, le Mali et le Ghana.

Des salles de cours soviétiques aux palais présidentiels : comment l’URSS a formé les dirigeants africains Source: Sputnik
PHOTO D’ARCHIVES. Des étudiants des pays africains en voie de développement font leurs études au collège médical n° 18 à Moscou. 1er mai 1972.

Grâce à l’enseignement soviétique, les diplômés qui retournaient chez eux avaient un avantage compétitif et pouvaient rivaliser avec les diplômés des universités des anciennes puissances coloniales, principalement de France et de Grande Bretagne. Les États-Unis étaient également une destination populaire.

Malgré le fait que les diplômés des établissements soviétiques n’étaient pas inférieurs en termes de qualifications et qu’ils avaient aussi appris une nouvelle langue, ils n’ont pas tous connu une notoriété immédiate ou obtenu des postes élevés dans leurs pays d’origines, surtout à la suite de l’effondrement de l’Union soviétique. « Après l’effondrement de l’Union soviétique, tous ses diplômés au Mali étaient marginalisés, et la majorité d’eux étaient au chômage, à l’exception de quelques chanceux », a indiqué à RT Brahima Togola, doctorante malienne à l’université d’État des sciences humaines de Russie.

« Des jeunes veulent venir étudier en Russie »

Au fil du temps, la situation s’est progressivement normalisée, et de nouveaux exemples inspirants sont apparus parmi les hauts responsables, les universitaires et les leaders d’opinion. Même aujourd’hui, malgré la situation géopolitique tendue, des étudiants de tout le continent continuent de manifester leur intérêt actif pour des études en Russie.

« La jeunesse sud-africaine veut venir étudier en Russie. Ce n’est pas facile à cause de la langue et de la situation géopolitique. Mais cela ne les empêche pas de vouloir en savoir plus sur la Russie », affirme Mava Mbulawa, diplômé en médecine de l’Université russe de l’Amitié entre les peuples (RUDN) et président du forum sud-africain des diplômés de Russie «Shyire Krug ».

Les pays où les entreprises russes sont présentes offrent des conditions attractives. Kasse Abdou Fata, doctorant à l’institut d’État de la langue russe Pouchkine, a déclaré à RT : « Comme de plus en plus de représentants d’entreprises russes sont venus en Afrique et que les relations entre la Russie et le Sénégal se sont développées, les jeunes ont commencé à apprendre activement le russe… Les candidats russophones ont un avantage lors d’un entretien d’embauche dans une entreprise russe ».

Des salles de cours soviétiques aux palais présidentiels : comment l’URSS a formé les dirigeants africains© Esther Mbathera Source: AP
Ndemupelila Netumbo Nandi-Ndaitwah, présidente namibienne.

Pourtant, ce ne sont pas seulement les perspectives de carrière mais aussi les exemples de réussite de compatriotes qui motivent les jeunes Africains. Ils sont nombreux et répartis sur tout le continent. Même dans les pays où le niveau de coopération avec la Russie est relativement faible, il y a des exemples de personnes respectées et ayant réussi après avoir étudié en URSS. 

Ministres, présidents et autres

Des salles de cours soviétiques aux palais présidentiels : comment l’URSS a formé les dirigeants africains© Jerome Delay Source: AP
Michel Djotodia, ancien président centrafricain.

Les diplômés hautement qualifiés ayant fait leurs études à l’étranger avaient plus d’opportunités, ce qui a eu une influence sur leur parcours professionnel. En Afrique, trois chefs d’État actuels ont fait leurs études en URSS : le président angolais Joao Lourenco, le président ghanéen John Mahama, récemment réélu, et le vétéran de la politique namibienne Netumbo Nandi-Ndaitwah qui a récemment remporté l’élection présidentielle.

Des salles de cours soviétiques aux palais présidentiels : comment l’URSS a formé les dirigeants africains Source: Gettyimages.ru
Joao Lourenco, président angolais.

La langue russe peut rivaliser avec les langues des anciennes métropoles, devenues langues officielles ou véhiculaires dans la plupart des pays africains. Même si la plupart des hauts fonctionnaires parlent l’anglais (63 %) et le français (50 %), le russe est aussi l’une des langues les plus répandues : selon une étude de l’École des hautes études en sciences économiques, il est parlé par 19 responsables politiques, soit 2,6 % d’entre eux. Parmi les langues non maternelles des responsables africains, le russe se classe au premier rang, devant l’allemand, l’espagnol, le chinois et d’autres langues.

Elena Apassova, vice-rectrice chargée de la communication stratégique à l’université russe de l’Amitié des peuples Patrice Lumumba, a précisé au journal Izvestia que des diplômés de l’université exerçaient les fonctions gouvernementales suivantes dans leurs pays d’origine : Premier ministre, ministre de la Santé, ministre des Ressources naturelles et du Tourisme, et ministre des Situations d’urgence.

Certains des diplômés ont changé de profession et ont opté pour la fonction publique. C’est le cas, par exemple, de Fatima Abdel Mahmoud, l’une des premières femmes politiques du Soudan. Dans les années 1960, elle a suivi des études en pédiatrie à l’université de l’Amitié des peuples à Moscou, mais a choisi de poursuivre une carrière politique. En 1973, elle a été nommée vice-ministre de la Jeunesse, des Sports et des Affaires sociales. Les journaux de l’époque ont écrit que les femmes soudanaises « cherchaient une nouvelle voie » et tournaient une page dans l’histoire d’une « société très conservatrice au Soudan, où 90 % des femmes sont officiellement recensées comme illettrées. » Elle est restée engagée en politique tout au long de sa vie et s’est présentée deux fois aux élections présidentielles.

Des salles de cours soviétiques aux palais présidentiels : comment l’URSS a formé les dirigeants africains Source: Gettyimages.ru
John Mahama, président ghanéen.

Cet exemple n’est pas unique : de nombreux autres dirigeants africains ont également fait leurs études en URSS. Parmi eux figurent notamment l’ancien président centrafricain Michel Djotodia, l’ancien Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga et l’actuel ministre des Affaires étrangères du Congo-Brazzaville, Jean-Claude Gakosso.

Des salles de cours soviétiques aux palais présidentiels : comment l’URSS a formé les dirigeants africains Source: Gettyimages.ru
Jean-Claude Gakosso, ministre des Affaires étrangères de la République du Congo.

« Il est important de savoir que la plupart des hauts fonctionnaires maliens ont été formés en URSS, tant dans le domaine militaire que civil, dont plusieurs employés de l’ambassade du Mali à Moscou et l’ancien Premier ministre », explique Souleymane Kante, étudiant malien en relations internationales à l’université russe de l’Amitié des peuples Patrice Lumumba. De nombreux recteurs et professeurs d’universités maliennes ont également fait leurs études en URSS.

L’héritage de la formation soviétique en Afrique continue de façonner la vie professionnelle et politique du continent. Au fil des décennies, des milliers d’étudiants africains ont suivi leurs études supérieures en URSS, puis en Russie, et sont rentrés chez eux avec des connaissances et des savoir-faire précieux, ainsi qu’une profonde compréhension de la culture russe. Beaucoup d’entre eux ont accédé à des fonctions de premier plan au sein des gouvernements, des universités et des entreprises, renforçant ainsi les liens immuables qui relient la Russie et l’Afrique.

Malgré les changements survenus dans le monde, la Russie reste toujours aussi attrayante en matière de formation. Grâce à ses coûts abordables, à son enseignement de qualité et à la réussite de ses anciens étudiants, elle continue d’attirer les jeunes Africains à la recherche d’opportunités à l’étranger. Les investissements de la Russie dans le domaine de l’éducation constituent un outil diplomatique stratégique qui garantit que sa présence en Afrique dépasse de loin le cadre du commerce.

Par Tamara Andreïeva, chercheur à l’Institut d’études africaines de l’Académie des sciences de Russie

Raconter l'actualité

Suivez RT en français surTelegram

En cliquant sur "Tout Accepter" vous consentez au traitement par ANO « TV-Novosti » de certaines données personnelles stockées sur votre terminal (telles que les adresses IP, les données de navigation, les données d'utilisation ou de géolocalisation ou bien encore les interactions avec les réseaux sociaux ainsi que les données nécessaires pour pouvoir utiliser les espaces commentaires de notre service). En cliquant sur "Tout Refuser", seuls les cookies/traceurs techniques (strictement limités au fonctionnement du site ou à la mesure d’audiences) seront déposés et lus sur votre terminal. "Tout Refuser" ne vous permet pas d’activer l’option commentaires de nos services. Pour activer l’option vous permettant de laisser des commentaires sur notre service, veuillez accepter le dépôt des cookies/traceurs « réseaux sociaux », soit en cliquant sur « Tout accepter », soit via la rubrique «Paramétrer vos choix». Le bandeau de couleur indique si le dépôt de cookies et la création de profils sont autorisés (vert) ou refusés (rouge). Vous pouvez modifier vos choix via la rubrique «Paramétrer vos choix». Réseaux sociaux Désactiver cette option empêchera les réseaux sociaux de suivre votre navigation sur notre site et ne permettra pas de laisser des commentaires.

OK

RT en français utilise des cookies pour exploiter et améliorer ses services.

Vous pouvez exprimer vos choix en cliquant sur «Tout accepter», «Tout refuser» , et/ou les modifier à tout moment via la rubrique «Paramétrer vos choix».

Pour en savoir plus sur vos droits et nos pratiques en matière de cookies, consultez notre «Politique de Confidentialité»

Tout AccepterTout refuserParamétrer vos choix