Zohran Mamdani, le visage d’une nouvelle gauche américaine pro-palestinienne
© Getty ImagesZohran Mamdani, nouveau maire démocrate new-yorkais, incarne une gauche sociale et anticoloniale, assumant son soutien à la Palestine. Accusé d’antisémitisme, il séduit pourtant une jeunesse en quête de cohérence morale et politique. Sa victoire est signe d'un profond renouvellement du rapport américain à la cause palestinienne.
Deux jours après sa victoire à la primaire démocrate pour la mairie de New York en juin dernier, Zohran Mamdani est apparu sur scène aux côtés du militant propalestinien Mahmoud Khalil, figure connue des mobilisations étudiantes à Columbia University.
Devant une foule enthousiaste dans le Queens, le député new-yorkais de 34 ans a défendu sa vision d’une ville « au service de ses habitants » : logements abordables, transports publics gratuits, services universels de garde d’enfants, financés par une fiscalité renforcée sur les plus riches. Mais au-delà de ce programme social-démocrate ambitieux, c’est son engagement propalestinien qui domine le débat et redessine les lignes idéologiques de la gauche américaine.
Les lignes politiques bougent aux Etats-Unis
Zohran Mamdani, né en Ouganda de parents intellectuels anticolonialistes, a grandi dans un environnement profondément engagé. Proche des figures palestiniennes Edward Saïd et Rashid Khalidi, il s’est très tôt intéressé à la question du colonialisme et aux luttes d’émancipation. Durant ses études au Bowdoin College, il crée un collectif étudiant pour la justice en Palestine et soutient activement le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). Ces convictions n’ont jamais faibli : il qualifie l’offensive israélienne à Gaza de génocide et affirme qu’il ferait arrêter Benjamin Netanyahou s’il se rendait à New York, en référence au mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale.
Dans une ville abritant la plus grande population juive hors d’Israël, ces positions ont provoqué un séisme politique. Plus d’un millier de rabbins américains ont signé une lettre ouverte dénonçant sa « rhétorique dangereuse », l’accusant d’attiser l’hostilité envers les juifs. Zohran Mamdani s’en défend : il affirme reconnaître le droit d’Israël à exister, mais rejette l’idée d’un État défini sur une base religieuse, plaidant pour « un État où l’égalité des droits s’applique à tous les habitants ». Dans un souci d’apaisement, il a multiplié les rencontres avec les représentants de la communauté juive et promis d’augmenter de 800 % les financements publics contre les crimes haineux.
Son adversaire, l’ancien gouverneur Andrew Cuomo, a tenté de le déstabiliser en l’accusant de refuser de condamner le slogan « Globalize the intifada », interprété par certains comme un appel à la violence. Zohran Mamdani a répondu avec mesure : il comprend la douleur que ces mots suscitent, mais rejette toute incitation à la haine.
Cette posture de nuance lui vaut des critiques de la part de certains militants pro-palestiniens qui estiment qu’il adoucit son discours pour séduire l’establishment démocrate. Le militant palestinien Mohammad el-Kurd lui reproche d’avoir « abandonné » le mouvement qui l’a porté, tandis que d’autres y voient une preuve de maturité politique.
Malgré ces tensions, Zohran Mamdani conserve une base électorale solide. D’après un sondage de Data for Progress, 62 % de ses soutiens affirment avoir voté pour lui en raison de ses positions sur la Palestine, un chiffre atteignant 83 % chez les primo-votants. Cette dynamique illustre un tournant générationnel : pendant des décennies, critiquer Israël équivalait à un suicide politique aux États-Unis. Désormais, cette prise de position devient un marqueur d’authenticité et de courage pour une partie croissante de l’électorat progressiste.