«Comme dans un film de mafia»: les dessous de l’accord entre l’Ukraine et les États-Unis sur les terres rares

Sous la pression de Donald Trump, l’Ukraine a signé un accord avec les États-Unis sur l’exploitation de ses minerais stratégiques. Le vice-ministre ukrainien de l'Économie Taras Katchka a comparé les négociations à «un film de mafia», évoquant l’atmosphère tendue et les exigences de Washington.
La signature de l’accord entre les États-Unis et l’Ukraine sur les minerais et terres rares, le 30 avril à Washington, désormais entré en vigueur, a été marquée par une atmosphère tendue.
Dans un entretien publié par le journal britannique The Times le 22 mai, le vice-ministre ukrainien de l'Économie Taras Katchka a déclaré que les négociations s'étaient déroulées « comme dans un film de mafia ». Il décrit une ambiance où « des hommes en costumes sombres décident tranquillement de questions de vie ou de mort ».
Il a également dénoncé la pression exercée par le président américain Donald Trump : « Bien sûr, nous avons vu toutes les publications du président Trump sur Truth Social. Mais si on met de côté les émotions, cela montrait seulement un fort intérêt pour cet accord ». Selon Katchka, les premières propositions présentées en février à Munich imposaient un accès illimité aux ressources ukrainiennes, sans contreparties réelles pour Kiev. L’accord final, malgré quelques ajustements de forme, reste fondamentalement structuré au bénéfice de la partie américaine.
Un accord inégal et sans sécurité réelle
L’accord a donné naissance au United States-Ukraine Reconstruction Investment Fund, censé attirer des investissements américains pour exploiter les minerais stratégiques d’Ukraine, dont le graphite, le lithium et les terres rares. Ces matériaux sont essentiels à l’industrie militaire et technologique américaine. En échange, les États-Unis peuvent récupérer leurs futures aides militaires via les profits de ce fonds, mais aucune garantie de sécurité n’est incluse.
La ministre de l’Économie Ioulia Svyrydenko, signataire de l’accord, a précisé dans The Times qu’il faudra entre 5 et 10 milliards de dollars d’investissements pour lancer les projets: « La mise en œuvre de projets liés aux matières premières critiques est coûteuse et longue. Il faut mener des études géologiques, des pré-études et des études de faisabilité ». Elle a ajouté que le fonds ne pourra fonctionner qu’à condition que les sites ne soient pas visés par le conflit en cours, ce qui reste incertain.
Critiques internes et scepticisme croissant
La députée ukrainienne Nina Ioujanina s’est dite inquiète de la réaction de Donald Trump si jamais les ressources annoncées n’étaient pas confirmées. Selon elle, les cartes géologiques utilisées datent de l’époque soviétique et risquent de s’avérer inexactes, ce qui pourrait faire perdre à Kiev le soutien de Washington.
Le 1er mai, le gouvernement ukrainien a publié le texte officiel de l’accord. De nombreux députés de la Rada ont exprimé leur mécontentement, soulignant une perte de souveraineté économique et l’absence des garanties de sécurité promises. Deux documents juridiques, cités dans le texte principal de l’accord comme annexes indispensables, n’ont jamais été communiqués aux députés avant le vote. Cette opacité a provoqué la colère de plusieurs parlementaires, qui accusent le gouvernement d’avoir dissimulé des éléments essentiels de l’engagement pris avec les États-Unis. Malgré ces critiques, la Rada a ratifié l’accord le 8 mai, en présence de Julie Davis, représentante des États-Unis en Ukraine.