La taxation des milliardaires en France : un consensus fragile mais brûlant

Lors d’une conférence à Paris les 8 et 9 avril, l’idée de taxer les milliardaires a réuni les élus de tous bords, malgré des divergences sur les modalités. Entre justice fiscale et craintes économiques, le débat s’intensifie face aux défis budgétaires et internationaux.
À Paris, les 8 et 9 avril, la conférence internationale sur la taxation des grandes fortunes, organisée par l’Observatoire européen de la fiscalité, a révélé un rare consensus politique en France : il faut taxer davantage les milliardaires. David Amiel, député macroniste, et Éric Coquerel, figure de LFI-NFP, ont incarné cette convergence inhabituelle lors d’un débat à la Paris School of Economics. « Il y a un problème d’évasion fiscale des milliardaires », a reconnu Amiel, rejoint par Coquerel qui martèle : « Il faut aller chercher l’argent là où il est. » Pourtant, derrière cette entente de principe, les visions divergent radicalement sur la mise en œuvre.
Notre grand débat en cette journée #TaxingBillionaires
— EU Tax Observatory (@taxobservatory) April 9, 2025
Il faut s'assurer pour que les ultrariches ne puissent plus échapper à l'impôt en se cachant derrière leurs holdings : @Amiel_David_ et @ericcoquerel sont d'accord. Ils divergent sur les solutions, comme une #TaxeZucman. pic.twitter.com/OVprwXq7Ip
L’idée n’est pas nouvelle. En février 2024, Gabriel Zucman, économiste et directeur de l’Observatoire, portait devant le G20 une taxe mondiale de 2 % sur le patrimoine des ultra-riches, une proposition reprise par la gauche française. Adoptée par l’Assemblée nationale en 2025 sous l’impulsion des écologistes, cette mesure vise les 1 800 contribuables aux patrimoines dépassant 100 millions d’euros, promettant 15 à 25 milliards d’euros de recettes. Mais au Sénat, où elle sera examinée le 12 juin, son avenir reste incertain face à une majorité plus réticente. À droite et au centre, on privilégie un « filet fiscal » à 0,5 %, limité à 2 milliards d’euros, excluant les biens professionnels pour éviter de pénaliser l’investissement.
Le constat est partagé : les dispositifs actuels, comme la contribution sur les hauts revenus, échouent à contrer l’optimisation fiscale via les holdings. « Les plus riches structurent leur patrimoine pour minimiser leurs revenus imposables », note David Amiel, qui propose de taxer ces structures, malgré les obstacles posés par les règles européennes. Éric Coquerel, lui, dénonce les « cadeaux fiscaux » des macronistes depuis 2017, estimant qu’ils ont creusé le déficit au profit des fortunés.
Face à la politique de Donald Trump et aux besoins urgents – réduction du déficit, défense – la pression monte. Mais les risques divisent : une taxe trop lourde pourrait provoquer une fuite des capitaux, avertit David Amiel, tandis que Gabriel Zucman plaide pour une riposte européenne visant les oligarques américains. Si le débat s’anime, son issue reste suspendue aux arbitrages politiques et à l’unité européenne.