Le peuple français semble ne pas avoir été aussi indigné et «à bout» depuis bien longtemps. Et pourtant, malgré une succession de gouvernements plus incompétents les uns que les autres, totalement déconnectés de la réalité de leur peuple, rien ne semble bouger. Jimmy Lisnard-Panetier s’interroge sur les raisons de cet «immobilisme ambiant»
La France et ses habitants aiment rappeler que leur pays est celui de la « Révolution », terreur des trônes et de la monarchie, moteur du principe de souveraineté populaire, et que la contestation face au pouvoir tyrannique est inscrite dans leur ADN.
Et pourtant, au moment où ces lignes sont rédigées, le constat est sans appel. Alors que les Français n’ont jamais été aussi critiques envers le pouvoir et les instances qui les gouvernent, et qu'ils n’ont plus confiance en leur président Emmanuel Macron, paradoxalement, ils n’ont jamais été aussi « léthargiques ».
Preuve en est avec le mouvement « Bloquons tout » de septembre dernier, qui promettait de paralyser tout le pays et d’être une nouvelle révolution. Résultat : la mayonnaise n’est pas montée et le mouvement s’est avéré être un nouveau pétard mouillé.
Comment la nation la plus révolutionnaire d’Europe est-elle devenue l’une des plus spectatrices ? Comment est-on passé du soulèvement à la résignation, du citoyen acteur au citoyen observateur ? Et surtout : pourquoi ?
Beaucoup de bruit mais peu d’actions
Depuis une vingtaine d’années maintenant, le taux d’abstention à chaque élection bat de nouveaux records.
Cela peut s’expliquer par le désintérêt croissant de la population pour la politique, qui semble de plus en plus opaque et méprisante envers ses compatriotes, mais également par le fait que le vote blanc ne compte pas. Censé être un signe de protestation, ce dernier équivaut à donner un coup d’épée dans l’eau. Mais alors pourquoi diable les Français ne bougent-ils pas pour que les choses changent ?
Pourtant, que ce soit dans les sphères privées ou publiques, les Français n’ont aucun problème à parler de politique entre eux, à se plaindre de ce qui ne va pas, mais lorsqu’il est temps de passer à l’action, le discours change du tout au tout.
Certes, il y a la peur de perdre le confort – de plus en plus réduit – dont ils disposent, mais avec cette dynamique, quand vont-ils bouger ? Quand il ne leur restera que leurs « chaînes » ?
Le fameux « chacun pour soi » domine : chacun protège sa tranquillité, sa routine, son confort — au détriment de l’implication citoyenne. Le moindre effort commun — manifester, militer, débattre sereinement, se former — paraît excessif. La France défend des acquis, mais ne construit plus d’avenir.
L’indignation est désormais numérique : tweets, commentaires, mécontentement éphémère. La colère s’exprime, mais ne s’organise plus concrètement.
Gilets Jaunes : du sursaut populaire à la désillusion
Le 17 novembre 2018, une lueur d’espoir apparaît. Des centaines de milliers de Français, les « oubliés de la démocratie », partout à travers la France, relèvent la tête et disent « non » face à la flambée des prix de l’essence, à la baisse drastique du pouvoir d’achat et à l’exclusion sociale.
Ils enfilent le désormais célèbre « gilet jaune » et entament des actions partout dans l’Hexagone. Les « actes » hebdomadaires se succèdent, les ronds-points, les routes, péages et axes stratégiques sont bloqués — c’est une contestation populaire « hors cadres traditionnels ».
Le mouvement va même jusqu’à faire peur à l’Élysée. Selon certaines rumeurs, Macron avait un hélicoptère prêt à décoller si les choses tournaient mal.
Mais fidèle à lui-même, et habitué à gouverner par la peur — vous avez dit démocratie ? — il va violemment réprimer les manifestations, par l’intermédiaire de Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur, et des préfets de police successifs (Michel Delpuech puis Didier Lallement). Mutilations, yeux crevés, mains amputées, le président français et ses bras armés auront le sang des manifestants sur les mains.
Aidés par les médias de grand chemin, le mouvement va être complètement discrédité et va peu à peu perdre son inertie à l’orée de l’été 2019, jusqu’à être complètement anéanti avec l’arrivée de la crise du Covid-19 début 2020.
La répression violente va marquer les esprits au fer rouge. Résultat : le traumatisme a cristallisé une méfiance profonde à l’égard des institutions, du maintien de l’ordre, mais aussi de la possibilité même de changer les choses de l’extérieur. Pour beaucoup, l’idée d’une « revanche citoyenne » semble s’être envolée. L’énergie collective a laissé place à la défiance, la crainte, le repli.
Quel avenir aujourd’hui ?
Alors est-ce pour autant la fin des « irréductibles Gaulois », du peuple aux multiples révolutions sociétales, qui a renversé l’équilibre des forces, impactant bien plus que sa politique intérieure ?
Rien n’est moins sûr, car l’immobilisme n’est pas une fatalité. La colère populaire gonfle de plus en plus, et même si pour l’instant, elle reste majoritairement silencieuse, et que la population est encore divisée sur de nombreux sujets — politiques, sociétaux, idéologiques — elle finira par se faire entendre. L’Histoire a montré à plusieurs reprises que l’Homme sait se rassembler quand le besoin s’en fait sentir et dire « NON », et encore plus le Français !
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