Alors que l'Occident clamait la fin du nazisme avec la chute d'Hitler, une réalité troublante émerge aujourd'hui : des idées et des symboles nazis perdurent, notamment en Ukraine. Karine Bechet dénonce le silence et l'hypocrite amnésie des élites globales.
En Occident, il est commun – et commode – de considérer que le nazisme a pris fin à la chute d’Hitler. Alors, pourquoi s’inquiéter et en parler, puisque a priori il n’existe plus ? Il est en effet possible de lire dans le dictionnaire Larousse que le nazisme est la doctrine du parti national-socialiste allemand, idéologie nationaliste et raciste promue par Hitler, qui fut en vigueur en Allemagne de 1933 à 1945. Quant à l’Enclyclopédie Universalis, elle qualifie le nazisme de « phénomène historique ».
Autrement dit, le danger aurait disparu avec la mort d’Hitler. Affaire close. Idéologie disparue. Phénomène historique resté dans les tiroirs de l’histoire. Amen !
Cette approche, quasiment officielle en Occident, nie l’hypothèse même d’une survivance de cette idéologie à son père fondateur, oublie le fait établi que de nombreux nazis ont échappé au Tribunal de Nuremberg, que beaucoup furent libérés en Occident, que certains occupèrent par la suite des postes officiels en Europe et travaillèrent principalement aux États-Unis et au Canada contre l’URSS lors de la Guerre froide. Aujourd’hui, de nombreux dirigeants européens sont des descendants de nazis.
Dans le cadre du conflit en Ukraine, cette doctrine officielle sert de fondement pour contester l’existence d’une résurgence nazie sur ce territoire. Rien n’y fait, rien ne fait flancher la propagande occidentale. Ni le recours par le régime post-Maidan à des hommes de mains utilisant la symbolique nazie ; ni les Marches aux flambeaux de colonnes de personnes portant des drapeaux avec des insignes nazis ; ni les centres d’embrigadement de la jeunesse, organisés par les différents groupes néonazis, conditionnant les enfants à la haine des Russes et à vouloir leur mort ; ni la glorification par le pouvoir ukrainien des « héros » ayant participé aux crimes commis par les nazis et la criminalisation des communistes, qui les ont alors combattus ; ni les lois de ségrégation adoptées contre les Russes, en faisant des sous-hommes et des sans-lois, s’ils se considèrent comme Russes.
Rien. Les élites globalistes imposent le silence et la cécité sur l’existence d’un nazisme au sein du régime ukrainien aujourd’hui.
Des croix gammées qu'on s'empresse d'oublier
Une réaction de stupeur a lieu un instant seulement, lorsqu’à l’antenne des images de soldats ukrainiens, en formation en France, sont apparues montrant des Ukrainiens avec des tatouages non équivoques : des croix gammées. Un instant seulement, ce si petit monde politico-médiatique a jugé cela déplacé (de le montrer) et s’est empressé de l’oublier.
La Russie, elle, le dénonce depuis des années. Depuis des années, elle dénonce la résurgence nazie sur le territoire ukrainien, une mouvance largement instrumentalisée par les Occidentaux pour prendre le contrôle des terres et des hommes, pour terroriser les résistants, comme à Odessa, et pour faire le sale travail sur le front. On se souviendra de l’usine d’Azovstal, où un bataillon néonazi avait pris en otages des habitants, s’en servant comme bouclier humain face à l’avancée de l’armée russe.
La Russie a l’instinct de la lutte contre toute forme de ségrégation, de haine raciale, notamment du nazisme, inscrit dans ses gènes historiques. Tout d’abord, parce que c’est un pays multiethnique et multiconfessionnel, qui a trouvé un équilibre dans le respect réciproque et la reconnaissance de ses racines orthodoxes. Ensuite, parce qu’avec plus de 27 millions de morts lors de la Seconde Guerre mondiale, chaque famille se souvient de ce dont le nazisme est capable.
Cela fait plusieurs années que la Russie présente une résolution pour la lutte contre la héroïsation du nazisme, du néonazisme et des autres formes de pratiques, favorisant l’escalade des formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance, qui y est liée. Comme à chaque fois, l’Occident vote contre. Mais cette année, qui marque les 80 ans de la victoire lors de la Seconde Guerre mondiale et sur fond de conflit en Ukraine, cette résolution est particulièrement symbolique. Et le refus des élites globalistes de condamner le nazisme aussi.
Quarante-quatre pays de toutes les régions du monde furent co-auteurs avec la Russie de cette résolution, notamment l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Serbie, l’Afrique du Sud, la Chine ou la Corée du Nord.
Finalement, 114 pays ont voté pour, 52 contre et 14 se sont courageusement abstenus. Classiquement, les États-Unis, l’Ukraine, la Grande-Bretagne, le Canada, le Japon et la plupart des pays membres de l’Union européenne ont voté contre. Et cela, malgré le fait qu’ils firent adopter une mention accusant la Russie de vouloir justifier l’opération militaire spéciale en utilisant le « faux prétexte » d’éradication du néonazisme en Ukraine.
Si le nazisme est mort et enterré avec Hitler, d’où pourrait venir, en effet, le néonazisme en Ukraine ? C’est une position confortable...
Mais comme le rappelle Grigori Loukiantsev, directeur du Département des droits de l’homme au ministère russe des Affaires étrangères, cette résolution est avant tout un devoir de mémoire pour nos aïeux : « Toute autre position serait du cynisme et un blasphème envers ceux, qui ont libéré le monde des horreurs du national-socialisme. »
Un Monde global dépouillé du surplus des histoires nationales
Peut-être que là est justement le problème – la mémoire. Donc l’histoire. Qu’il est si difficile d’effacer totalement et de réécrire radicalement, malgré des dizaines d’années d’efforts d’une propagande révisionniste en Occident. Pour qu’à la fin, il ne reste plus qu’une seule « histoire », celle justifiant le Monde global, dépouillée du surplus des histoires nationales.
Dans cette logique, le communisme est un mal aussi grand, voire plus grand, que le nazisme, qu’il a pourtant combattu. Les États-Unis, à la tête de la globalisation, sont devenus les grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, comme ne cesse de le répéter ouvertement Trump, qui n’est finalement pas venu à Moscou pour les cérémonies du 9 mai. Et désormais, en conséquence, la Russie est du côté du « mal », quand l’Occident globalisé se présente comme l’incarnation du « bien ».
C’est manichéen, mais aujourd’hui, avec la guerre sur le front ukrainien des élites globalistes contre la Russie, c’est un discours qui leur est essentiel. Car si la Russie perd le mythe fondateur qu’est la victoire du 9 mai, elle en sera fortement affaiblie. À l’étranger, cela fonctionne déjà. Peu se souviennent en Europe, qui fut en grande partie libérée par l’Armée rouge, du rôle tenu par la Russie alors.
L’avenir de la vérité historique se joue sur le front ukrainien
De plus, ainsi, il ne peut y avoir de nazisme en Ukraine. En tout cas, ce « nazisme » ne serait pas si « mauvais que ça », puisqu’il est présenté comme un mouvement, à l’époque et aujourd’hui, de lutte contre la Russie. Même si les bataillons ukrainiens se battant avec l’armée allemande n’étaient employés que pour les opérations de terreur contre les populations et les résistants, ils ne participaient nullement aux opérations militaires de l’Axe contre l’Armée rouge. Mais qui en parle encore aujourd’hui ?
L’histoire est écrite par les vainqueurs, c’est bien connu. Les vainqueurs d’un conflit militaire ou idéologique. L’avenir de la vérité historique se joue aujourd’hui sur le front ukrainien, pour que la Russie soit à nouveau en position d’imposer le retour au discours historique national. Soit nous pourrons revenir à notre histoire nationale, si la Russie remporte une victoire ; soit nous disparaîtrons dans l’histoire globale.
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