Le chroniqueur Jacques Frantz détaille la position de la Suisse dans l'affaire de la reconnaissance de la Palestine.
Comme prévu, le président de la République française a reconnu devant l’Assemblée générale des Nations unies la Palestine en tant qu’État.
Comme cela a été dit, cette reconnaissance s’inscrit dans une action groupée à laquelle se sont joints, entre autres l'Andorre, le Royaume-Uni ou le Canada. L’Allemagne, toujours en état d’expiation d’une faute inexpiable, s’est bien gardée de déplaire à Israël.
Du reste, la réponse israélienne ne s’est pas fait attendre. Netanyahou a déclaré qu’il n’y aurait jamais d’État palestinien. Vous me direz qu'on le savait déjà depuis le début (c’est-à-dire depuis les Accords d’Oslo), mais au moins, maintenant, les choses sont dites.
Il m’a semblé intéressant de m’arrêter une minute sur la position de la Suisse.
La Suisse, même si elle a beaucoup perdu de son prestige international en s’alignant outrageusement sur les positions américaines – notamment suite à « l’affaire ukrainienne » — n’en demeure pas moins un acteur historique sur la scène internationale. Elle abrite l’Office européen des Nations unies et bon nombre d’organisations internationales, mais elle est aussi le pays qui a vu la signature des Conventions de Genève.
Hélas, force est de constater qu’une fois de plus, la Suisse a manqué son rendez-vous avec l’Histoire. Le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) dirigé par l’italophone Ignazio Cassis a réaffirmé la position de la Confédération, consistant à ne reconnaître l’État de Palestine qu’au terme d’un processus de paix. Rien d’original, puisque c’était la position de la plupart des États occidentaux au moment des Accords d’Oslo. Mais devant l’évolution de la situation, certains États ont cru bon de revoir leur position, se dépêchant de « reconnaître » avant que l’entité palestinienne ne cesse d’exister, puisqu’en Israël, des voix se font entendre en faveur d’une annexion pure et simple de Gaza et de la Cisjordanie.
Cependant la Suisse, qui n’a rien à refuser à son suzerain américain, a décidé de ne pas bouger, au grand dam de Micheline Calmy Ray, la genevoise qui dirigea le DFAE de 2003 à 2011. Ce qui est intéressant dans cette histoire helvétique, c’est le fossé très marqué entre Romands et Alémaniques. En effet, alors que la presse alémanique soutient la position officielle de la Confédération, la presse romande est vent debout contre l’obstination de la Suisse à rester en retrait, plaidant pour un alignement sur la politique de la France.
L’ancienne ministre Micheline Calmy Ray, qui s’exprimait ce jour à la radio, croit y voir une fracture culturelle entre francophones et germanophones, où les germanophones s’aligneraient sur les positions allemandes, tandis que les francophones soutiendraient les positions de la France.
De fait, fracture et mimétisme il y a. La Suisse romande a aussi son histoire de drapeau palestinien. La ville de Vevey a décidé d’orner le balcon de l’hôtel de ville d’un drapeau palestinien. Oui, parce qu’il faut le savoir, Vevey, commune très bourgeoise sur la Riviera vaudoise où le prix du mètre carré n’est pas à la portée de toutes les bourses, se paie le luxe d’avoir un maire (un syndic dans le canton de Vaud) d’extrême-gauche. Ainsi, l’organe de presse de droite le peuple.ch redoute une LFIsation de la Suisse. Dans son article, Raphaël Pommey s’inquiète d’un antisémitisme d’extrême-gauche devenu contagieux.
Le courant politique qui défend une Suisse indépendante et neutre s’émeut de ce que des Suisses distribuent des bons et des mauvais points à 3 500 kilomètres de chez eux. Certes, l’émotion et l’inquiétude de nos amis suisses de droite est bien compréhensible. Cependant, à la lecture de cet article, on a le sentiment qu’il est un peu à sens unique. Car une Suisse indépendante et neutre ne doit se mêler de rien et ne prendre parti pour personne. Or il est à craindre qu’une partie de la droite suisse mette en garde contre la LFIsation de la Suisse, au risque de se laisser contaminer par une zemmourisation des esprits. Comme quoi, même s’ils s’en défendent, les uns et les autres subissent peu ou prou l’influence politico-culturelle de leur grand voisin.
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