Suicide d’Évaëlle : l’enseignante relaxée, les parents dénoncent une décision «incompréhensible»

Accusé de harcèlement moral, le professeur de français d’Évaëlle, 11 ans, a été relaxé jeudi 10 avril par le tribunal correctionnel de Pontoise. Les parents de l’adolescente, révoltés par cette décision qu’ils jugent injuste et déconnectée, annoncent faire appel.
Le tribunal de Pontoise a relaxé ce jeudi 10 avril, l’enseignante accusée de harcèlement moral contre Évaëlle, une collégienne de 11 ans retrouvée pendue en juin 2019. Le tribunal a jugé que les éléments présentés étaient « discordants, indirects, peu circonstanciés » et relevaient de « comportements adaptés et légitimes s’agissant de l’autorité dont doit faire preuve un enseignant en classe », selon Le Monde.
Le procureur, pourtant, avait requis 18 mois de prison avec sursis et une interdiction définitive d’enseigner. Le parquet dénonçait une enseignante ayant « jeté en pâture » l’élève, déclenchant un processus de harcèlement plus large. Mais la justice a conclu à l’absence d’intention délibérée de nuire à la jeune fille.
Un contexte scolaire étouffant
L’année scolaire 2018-2019 fut éprouvante pour Évaëlle au collège Isabelle Autissier d’Herblay-sur-Seine (Val-d’Oise). Dès la rentrée, la jeune élève subit insultes et violences de la part d’autres élèves. En parallèle, elle rencontre des tensions avec son professeur de français, notamment autour d’un protocole médical à respecter. Le 13 février 2019, lors d’une heure de vie de classe consacrée au harcèlement scolaire, le professeur invite les élèves à exprimer ce qu’ils reprochent à Évaëlle. La session tourne au lynchage collectif. Évaëlle fond en larmes. À ses parents, elle dira que c’était « la pire journée de sa vie ».
Trois mois plus tard, le 21 juin, elle se donne la mort. L’enquête ne permet pas d’établir un lien formel entre cet épisode et le suicide. L’enseignante avait d’ailleurs bénéficié d’un non-lieu pour homicide involontaire. Mais le procureur, lors du procès de mars, a affirmé que ce harcèlement avait été « le déclencheur et catalyseur du harcèlement des mineurs », selon France Bleu.
Les parents dénoncent une impunité
« Je suis dans l’incompréhension totale », a déclaré en larmes la mère d’Évaëlle après l’annonce du jugement, selon France 3. L’avocate de la famille, Me Delphine Meillet, a annoncé un appel. Si le parquet ne suit pas la même voie, aucun procès pénal ne pourra avoir lieu.
Deux anciens camarades d’Évaëlle, également impliqués dans des faits de harcèlement, seront jugés d’ici la fin de l’année devant le tribunal pour enfants.
La famille pointe aussi les défaillances de l’État français. Comme l’a rapporté L’Humanité, une première plainte déposée alors qu’Évaëlle était encore vivante avait été classée sans suite. « On a alerté tout le monde », a insisté sa mère. « Comment notre fille a pu subir ça ? Elle n’a trouvé qu’une solution pour s’échapper », a ajouté son père.
Une loi votée en mars 2022 reconnaît désormais le harcèlement scolaire comme un délit, mais elle reste inopérante dans ce dossier.