Burkina Faso : Ibrahim Traoré dresse le bilan de trois années de pouvoir

À l’occasion du troisième anniversaire de son accession au pouvoir, le président du Burkina Faso a accordé un entretien de 90 minutes à la presse nationale et internationale axé sur cinq thématiques : la défense et la sécurité, la politique et la société, l’économie et le développement, la diplomatie et l’AES, ainsi que la géopolitique.
Le président du Burkina Faso, Ibrahim Traoré, a répondu aux questions d’une dizaine de journalistes de médias publics et privés, le 28 septembre, lors d’un entretien fleuve intitulé « 90 minutes face à la presse », diffusé sur la chaîne publique RTB, organisé à l’occasion de la 3ᵉ année de son accession à la tête de l’État burkinabè. L’entretien a porté sur plusieurs sujets incontournables allant de la défense à la géopolitique régionale et internationale, en passant par la société, l’économie, le développement et la diplomatie.
Cet exercice de communication visait à rassurer la population sur l’avenir du pays, un objectif qui, selon la presse burkinabè, aurait été atteint, à en juger par les réactions sur les réseaux sociaux, au sein de la diaspora et même chez les populations de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Défense et sécurité : « Nous allons gagner cette guerre »
En matière de défense, le président burkinabè a insisté sur la nécessité de mettre en place une mentalité nationale forte au sein des forces armées, expliquant que la compréhension des enjeux renforce l’engagement des soldats. Partant de ce constat, la création d’une École supérieure militaire s’imposait, selon Ibrahim Traoré. « Retenez une chose : si vous laissez vos forces être formées par d’autres puissances, elles leur mettent ce qu’elles veulent dans la tête. Elles les endoctrinent comme elles le veulent et c’est plus facile de les manipuler », a-t-il affirmé.
Sur la question de la menace terroriste, Ibrahim Traoré a déclaré : « Nous n’irons nulle part et nous allons gagner cette guerre ». Face à une menace qui évolue constamment, le président burkinabè considère que l’adaptation de l’armée et une « compréhension claire de la menace » constituaient ses meilleurs atouts. Il a laissé entendre que les populations allaient bientôt entendre parler « d’un albinos noir », sans apporter de plus amples précisions sur la signification du terme, avant d’ajouter : « Ne me demandez pas de quoi il s’agit, vous comprendrez plus tard. La guerre va finir. »
Ibrahim Traoré a souligné que la souveraineté industrielle constituait la troisième phase de sa politique de défense. Elle consiste à ne plus dépendre des achats d’armes à l’étranger, « mais de fabriquer nous-mêmes les armes. C’est cela, la montée en puissance. Il faut bien s’équiper, mais aussi créer une industrie de défense. C’est très important. Cela veut dire que dans quelques mois ou bien quelques années, nos militaires vont utiliser des armes made in Burkina », a-t-il annoncé.
Économie : « Si l’État n’est pas fort, il n’y a pas de pays »
Le chef de l’État burkinabè a exprimé sa vision sur la question économique, notamment le renforcement de l’État par le contrôle et la gestion de certains domaines économiques comme l’agriculture, les services publics essentiels, les hydrocarbures, le contrôle technique des véhicules ou encore le secteur minier, mettant en garde contre ce qu’il a qualifié de « capitalisme sauvage ». Il a expliqué que le rôle de l’État est de réguler, selon une idéologie qui sera dévoilée au fur et à mesure, dont la finalité est d’assurer « le bien-être de tout le monde ».
Concernant le secteur minier, Ibrahim Traoré a indiqué que l’État burkinabè a investi 100 milliards de francs CFA pour le rachat de deux mines d’or, dont les bénéfices devront désormais profiter au peuple. En matière d’agriculture, il a indiqué que, face au manque d’investissement du secteur privé, l’État devrait consacrer des moyens, notamment dans la culture du riz, dans le but de réduire la dépendance alimentaire du pays.
Géopolitique : annuler l’effet de « l’encerclement » des États de l’AES
Le président burkinabè a justifié la posture diplomatique et régionale de son gouvernement qui a rompu avec les puissances étrangères, dont la présence sur le sol du pays n’a pas toujours favorisé la fin du conflit. « S’il arrivait que des gens viennent jusqu’à nous dire qu’il faut qu’on accepte qu’ils soutiennent les terroristes et nous soutiennent également, cela veut dire que c’est une guerre entretenue. Donc, nous avons très vite compris, on s’est débarrassé de toutes les forces qui étaient présentes ici, que ce soit les forces françaises ou les forces américaines, et nous avons compris que la lutte sera âpre. »
Sur la question de l’encerclement de l’AES, Traoré a déclaré : « Quand vous décidez de faire la révolution, il faut s’apprêter à cette adversité. » Selon lui, l’hostilité extérieure est la contrepartie prévisible d’un choix souverain de développement. Il a indiqué, dans ce contexte, qu’il y aurait toujours des chefs d’État africains confrontés à des contraintes extérieures : « Ils vont accepter que les impérialistes viennent chez eux pour attaquer leurs propres frères. Si vous acceptez la révolution, vous devez composer avec ce concept. Donc, on n’y peut rien. On fait avec. Et c’est à nous de nous préparer pour que l’encerclement soit nul, et qu’il ne puisse jamais atteindre son objectif. »