Au lendemain de la chute de son gouvernement, François Bayrou apparaît comme un Premier ministre défait, sacrifié ou imprudent. Jacques Frantz interroge les raisons de ce hara-kiri politique et les illusions d’un homme d’appareil qui rêvait de panache mais n’héritera que de retraites dorées.
Le Premier ministre François Bayrou s’est donc vu refuser la confiance de l’Assemblée nationale, un fait sans précédent dans l’histoire de la Ve République.
J’avoue que j’avais pris le risque considérable de parier sur un succès in extremis de François Bayrou. Le risque était énorme, j’en étais conscient, mais le pari valait la peine d’être pris.
Si cela avait marché, nous aurions été bien peu d’observateurs à avoir anticipé un tel retournement de situation. J’avoue préférer nager à contre-courant qu’entonner la marche funèbre avec la masse, alors que le sujet bouge encore. Que voulez-vous, c’est ma nature.
Néanmoins, des questions demeurent. Pourquoi Bayrou s’est-il fait hara-kiri ? Y a-t-il été contraint ? Si tel est le cas, que lui a-t-on promis ? Certains disent qu’en jouant le « quitte ou double », Bayrou se positionne pour la présidentielle. Franchement — au risque de me tromper encore une fois — je n’y crois guère. Le Premier ministre ne sort pas avec panache de cette histoire. Le pays n’a toujours pas de budget et, comme si cela ne suffisait pas, il se retrouve plongé dans une crise gouvernementale digne de la IVe République, crise soi-disant rendue impossible par les institutions de la Ve. La raison pour laquelle j’avais mis une petite pièce sur un éventuel sauvetage in extremis de François Bayrou, c’était la capacité du Palois à faire de la politique.
Bayrou est un homme d’appareil qui a consacré sa vie à lui-même. Il a consacré sa vie à sa seule ambition. Du reste, il a dû tordre le bras du président pour être nommé à Matignon. Le président se serait-il vengé ? Bayrou n’est, semble-t-il, pas parvenu à mettre à profit l’été pour activer ses réseaux et obtenir la confiance.
Comme je l’ai dit, je ne crois guère à une posture en vue de la présidentielle de 2027 (il sera trop vieux pour l’élection suivante). Ce serait, de mémoire, la quatrième candidature. Ensuite, Bayrou n’a guère brillé lors de ces scrutins. Bien entendu, si Bayrou se présentait, avec un battage médiatique outrancier, l’agitation de l’épouvantail du fascisme et un peu de fraude électorale, il pourrait être élu. Mais la place étant bonne, la concurrence est rude. Les dents d’Édouard Philippe — pour ne citer que lui — ne rayent pas le parquet, elles y creusent de véritables sillons. Je serais surpris que Bayrou soit de taille à régater. Il est donc fort probable que François Bayrou devra se faire une raison : François Bayrou ne sera rien de plus que Premier ministre.
Je sais, c’est dur. Celui qui se rêvait en Henri IV devra se contenter des retraites cumulées grâce à ses divers mandats électifs : Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques, qu’il a présidé pendant plus de quinze ans, sans compter ses postes ministériels, ses presque 22 ans passés à l’Assemblée nationale, son passage au Commissariat au Plan… Bref, sans faire le décompte exact, on est rassuré, François Bayrou est confortablement installé pour suivre les cours de catéchisme dispensés par Babette. Selon toute vraisemblance, la carrière politique de l’apparatchik Bayrou a atteint son apogée hier soir. Que voulez-vous, les nantis ont aussi leur lot de malheur.
À moins que l’ex-Premier ministre ait passé un accord avec le président : « Je sors du jeu de façon humiliante à condition de représenter la macronie aux prochaines présidentielles »… Tout est possible dans la macronie. Malheureusement, c’est une information que nous n’avons pas. En effet, peu d’observateurs ont à l’esprit qu’ils sont loin d’avoir toutes les informations. Sans être dans le secret des palais nationaux, j’en doute un peu.
Si en revanche Bayrou avait gagné son « quitte ou double », il aurait vu sa cote monter en flèche. Il sauvait le gouvernement, il résolvait la question du budget, ce qui lui aurait donné un sérieux avantage sur ses adversaires présidentiables. D’homme d’appareil, Bayrou devenait homme d’État. Mais la vie est cruelle et la politique l’est encore davantage. Après, ces gens-là ont une telle capacité surhumaine, voire inhumaine, à rebondir qu’on peut toujours être surpris.
Dommage cependant que ces forces s’exercent au profit exclusif d’ambitions parasitaires au lieu de s’employer pour le bien de la France, de l’Europe et du monde. N’est pas Richelieu ou Mazarin qui veut.
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