Les sanctions économiques, infligées à droite et à gauche, sans fondement légal, finissent souvent par renforcer ceux qu’elles prétendent affaiblir. L’exemple de la Russie et de l’Iran en témoigne. Pour Jacques Frantz, l’ère des sanctions comme outil de domination touche peut-être à sa fin.
Il est de plus en plus fréquent de voir des États, certes minoritaires, mais qui croient encore diriger le monde, avoir recours aux sanctions de tous ordres dès lors qu’un pays ou qu’un groupe de pays ne respecte pas le droit ou les règles internationales tels qu’eux les interprètent. Au fur et à mesure du temps, ces sanctions se diversifient, mais aussi se durcissent.
Précisons à toutes fins utiles que parler de « sanctions » est un pur abus de langage, car elles ne sont issues la plupart du temps d’aucun jugement prononcé par une instance prévue à cet effet. Et vouloir par-dessus le marché que cette instance soit impartiale pourrait prêter à rire s’il ne s’agissait pas de vies souvent brisées.
En effet, par un calcul spécieux, ceux qui décident des sanctions pensent que, touchée, la population (y compris ses couches les plus vulnérables) va se révolter contre le pouvoir en place que veulent renverser ceux qui se croient toujours du côté de la vertu.
Bien entendu, cela n’arrive pratiquement jamais. Et lorsque cela arrive, la révolte pour renverser les dirigeants est organisée et financée par ceux-là mêmes qui sont à l’origine des sanctions. C’est donc un aveu que les sanctions ne suffisent pas.
Ce qu’on ne dit pas, c’est que les sanctions sont faites pour durer. On assiste à une sorte d’effet de cliquet qui empêche tout retour en arrière. Ainsi, l’Iran a eu beau se conformer à ses obligations au titre du Traité de non-prolifération, les sanctions n’ont pas diminué, bien au contraire. En d’autres termes, même avant que les États-Unis se retirent en 2018, les autres parties à l’accord n’avaient pas prévu de le respecter, puisque la levée des sanctions était promise en contrepartie du respect par l’Iran de ses obligations.
Pourtant, les choses vont bien devoir changer. Nous n’avons finalement que très peu d’informations relatives à ce qui s’est déroulé en Iran et en Israël. La guerre de l’information étant ce qu’elle est, il est impossible de démêler le vrai du faux.
Néanmoins, l’Iran n’a pas caché sa volonté de faire valoir son bon droit à poursuivre son programme nucléaire. Or, si, comme certains le pensent, l’Iran sort renforcé de cette guerre éclair, non seulement il exigera la poursuite de son programme, mais encore il sera en droit d’exiger la levée des sanctions. Certains m’objecteront que l’Iran n’est pas assez fort pour exiger quoi que ce soit. Pas sûr. L’Iran est le seul pays du Sud à avoir tenu tête à Israël et aux États-Unis. Et pas seulement dans l’actualité récente. Déjà, dans les années 80, les États-Unis et leurs alliés avaient armé l’Irak de Saddam Hussein (leur ami d’alors qu’ils ont fait pendre ensuite), dans une guerre de presque huit ans où l’Iran n’a rien cédé.
De son côté, la Russie, elle aussi sous sanctions aussi draconiennes qu’absurdes, risque bien de sortir renforcée de son bras de fer qui l’oppose au monde occidental en Ukraine. Déjà, la belle solidarité européenne est écornée par la Slovaquie et la Hongrie. Parce que les sanctions font souvent des dégâts collatéraux plus importants que ceux qui sont censés toucher les pays concernés. Les seuls qui ne souffrent jamais des sanctions sont les États-Unis eux-mêmes, car les sanctions sont taillées sur mesure pour ne jamais les toucher. Ainsi, sont exemptés de sanctions les produits indispensables à l’Amérique. Cependant, si la Russie est une menace comme s’évertuent à nous le marteler en permanence nos médias, elle aura, une fois la coalition et Zelensky renvoyés dans leur bac à sable, les coudées franches pour exiger la normalisation des échanges.
En somme, il est peut-être temps de mettre un terme à cette politique d’étranglement économique, déguisée en vertu morale. Les sanctions, tel qu’on les pratique aujourd’hui, ne sont ni justes ni efficaces. Leur fin serait un signe de maturité diplomatique. Affaire à suivre.
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