Donald Trump est officiellement devenu président des États-Unis pour la seconde fois, après une campagne émaillée de promesses et d’engagements qui resteront à vérifier. Véritable changement géopolitique mondial ou simples arrangements cosmétiques ? L’analyse d’Alexandre Regnaud, spécialiste dans l’analyse géopolitique européenne et mondiale.
Avec leurs meetings géants et leur hyper médiatisation, les campagnes électorales américaines sont toujours spectaculaires, et celle de Trump n’a pas fait exception. Mais elles ne le sont qu’à la hauteur des sommes engagées, qui proviennent majoritairement de donateurs privés. Selon le Washington Post, ce sont près d’un milliard de dollars de dons qui auraient été récoltés par Trump pour cette campagne. Le candidat de l’Amérique profonde est, entre autres, financé par près de 26 milliardaires, avec comme nouveauté l’émergence de figures de la « tech » qui ne se limitent pas au très médiatique Elon Musk. A cela s’ajoutent d’autres secteurs industriels. Le New York Times évoque, par exemple, un montant de 75 millions de dollars de dons offerts par le secteur du pétrole dans son ensemble. Un des premiers décrets de Trump retire d’ailleurs les États-Unis des accords de Paris sur le climat, ce qui n’est pas un hasard. Car qui dit investissement, dit forcément attente de retour. Un paramètre essentiel à prendre en compte si l’on veut analyser sans lunettes roses la politique à venir au regard des attentes, parfois déraisonnables, qu’elle suscite.
Il faut dire qu’après la victoire douteuse de Biden en 2020 et quatre années de guerres, de déstabilisations et de provocations au niveau international, accompagnées d’une offensive wokiste délirante de destruction de toutes les valeurs de notre civilisation, certains sont tentés de voir en Trump un sauveur quasi messianique. Il en a très largement joué lui-même pour séduire autant son électorat que certaines opinions publiques au-delà de ses frontières. Paix dans le monde, lutte contre « l’État Profond », révélations sur les ignobles réseaux de trafics sexuels, fin de l’immigration: les promesses, ou ce que l’on veut percevoir comme telles, sont nombreuses. Pourtant, rien de tout cela n’avait été réalisé durant son premier mandat. La différence cette fois sera peut-être qu’on a réellement cherché à l’assassiner, et qu’il a tiré les leçons des bidouillages électoraux et de la mise en scène du 6 janvier. Un de ses premiers gestes de président a d’ailleurs été de gracier 1 500 citoyens inquiétés pour ces évènements.
En réalité, il est bien trop tôt pour tirer des conclusions, quelles qu'elles soient. Les premières déclarations du 47e président des Etats-Unis vont dans le sens d’une priorisation immédiate de la lutte contre l’immigration. Mais aussi de l’ouverture de nouvelles zones de conflits, militaires ou diplomatiques, notamment autour du Mexique, sous prétexte de lutte contre les cartels, ou à Panama pour le contrôle de sa route commerciale. Deux états souverains désormais menacés. C'est aussi peut-être l’occasion de mettre en évidence certaines incohérences face au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, où l’on pourrait voir une différence de « règles » entre le Groenland et le Donbass. Un expansionnisme et des politiques commerciales et douanières agressives envers la majorité de la planète, pour tenter de sauver un dollar moribond et renvoyer l’ascenseur aux investisseurs, qui seraient recouverts d’un vernis de lutte contre le wokisme afin de les rendre plus acceptables à certaines opinions publiques. Resteront à voir également les conditions de paix imposées à l’entité de Kiev, l’escroquerie des accords de Minsk étant éventée et les nouvelles réalités mondiales et militaires devant être prises en compte. En définitive, beaucoup d’inconnues, qui devraient susciter une certaine retenue face à la nouvelle administration de Washington.
Il est en effet toujours utile de se souvenir que lors de l’hystérie mondiale qui avait accompagné la première élection d’Obama, Vladimir Poutine avait annoncé que les plus grands espoirs amènent souvent les plus grandes déceptions. Une sentence qui s’était avérée prophétique. Voyons ce qu’il en sera pour Trump. Mais l’essentiel est de ne pas oublier que quoi qu’il fasse, il agit avant tout dans l’intérêt des États-Unis, et c’est bien normal. Or, les intérêts américains ne sont qu’extrêmement rarement ceux du reste du monde. Mieux vaut ne pas l’oublier.