Le pôle africain du monde multipolaire

Le pôle africain du monde multipolaire Source: Sputnik
Première session plénière de la première conférence ministérielle du Forum Russie-Afrique, en novembre 2024.
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Dans l’article publié le 6 janvier par le site Russia in Global Affairs, le directeur du département de la planification de la politique étrangère du ministère russe des Affaires étrangères, Alexeï Drobinine, examine le rôle croissant de l'Afrique dans la politique internationale. RT en français publie l'ensemble de l'article.

[...] je préfère mourir la tête haute, la foi inébranlable et la confiance profonde dans la destinée de mon pays, plutôt que vivre dans la soumission et le mépris des principes sacrés.  L’histoire dira un jour son mot, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseignera à Bruxelles, Washington, Paris ou aux Nations Unies, mais celle qu’on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches.

Patrice Lumumba

 

En novembre 2024, j’ai eu l’occasion de participer à la première conférence ministérielle du forum du partenariat « Russie-Afrique » qui s’est tenue à Sotchi dans la foulée du sommet russo-africain ayant eu lieu à Saint-Pétersbourg un an plus tôt. La conférence a accéléré le développement des liens renaissants avec le continent noir et a posé un autre jalon important dans la réorientation de la politique étrangère de la Russie vers les pays du Sud et de l’Est.

En tant que planificateur, il m’intéressait de me faire une image complète de nos partenaires africains, de leurs points de vue, de leurs préoccupations, de leurs inquiétudes et de leurs aspirations. De retour à Moscou, j’ai réalisé mon intention de longue date et couché sur papier mes impressions, mes pensées et mes idées sur l’Afrique et son rôle croissant dans les affaires internationales, nées de mes nombreuses années d’observations, de voyages, de contacts et de mes lectures de littérature spécialisée.

Cet article est écrit avec une intention particulière : celle de montrer que l’Afrique a tout pour occuper la place d’un des centres puissants du monde multipolaire émergent, et que les Africains ont déjà commencé à progresser vers leur objectif. J’avoue tout de suite que je ne prétends pas couvrir le sujet de manière exhaustive, je n’aborde volontairement pas de nombreux aspects historiques, culturels, linguistiques et autres qui relèvent de la compétence des spécialistes d’études régionales. L’accent sera mis avant tout sur les faits et les preuves permettant de juger de la dynamique de la formation du pôle africain, de ses particularités et perspectives. Je prévois d’explorer tous les centres existants de prise de décision politique d’importance mondiale, ainsi que les candidats à ce rôle. D’ailleurs, c’est un motif purement symbolique qui m’a poussé à commencer par l’Afrique, car c’est sur ce continent que le berceau de l’humanité est situé, notre patrie ancestrale commune. Sur la base des découvertes anthropologiques faites dans la région des gorges d’Olduvaï (Tanzanie, 1959) et du lac Turkana (Kenya, 1972), les scientifiques ont émis l’hypothèse que l’humain moderne, Homo sapiens, est apparu probablement dans la partie orientale de l’Afrique il y a environ 200 000 ans.

L’Afrique d’aujourd’hui est une communauté civilisationnelle extrêmement complexe. Elle se compose à la fois ce qu’on appelle l’Afrique sub-saharienne et du Maghreb arabo-berbère, où le monde africain rencontre le monde arabo-musulman, où une civilisation se superpose à une autre et s’y intègre. C’est un continent vaste, constitué de nombreux peuples, cultures, courants religieux et races distincts, au passé extrêmement diversifié. Cependant, le sentiment interne d’un destin commun et la croyance en un avenir commun, le désir d’un développement commun, les aspirations d’intégration dans l’économie et la politique, la recherche active d’une identité africaine, tout cela et bien plus encore permet de considérer l’Afrique comme une entité géopolitique intégrale, faisant partie intégrante du système multipolaire de l’avenir.

Le pôle africain : défis et perspectives

La déclaration adoptée à l’issue du deuxième sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg proclame « le rôle et l’influence croissants de l’Afrique au niveau international en tant qu’un des principaux piliers du monde multipolaire ».

En effet, l’Afrique a tout ce qu’il faut pour devenir un centre de pouvoir souverain. L’Afrique, dotée de ressources démographiques et naturelles inépuisables, a des perspectives géopolitiques enviables si elle saisit l’opportunité de développement souverain. Ne dit-on pas – et ce n’est pas pour rien – que l’Afrique est le continent de l’avenir ? En termes de population, avec 1,5 milliard d’habitants, l’Afrique se situe au même niveau que l’Inde et la Chine ; en termes de structure d’âge elle dispose d’un avantage : la moitié des Africains ont moins de vingt ans.

Des experts ont estimé que d’ici 2050, la population du continent pourrait atteindre 2,5 milliards d’habitants, autrement dit, une personne sur quatre sur Terre sera africaine.

L’Afrique est une véritable réserve de richesses terrestres. Elle possède 30% des ressources minérales mondiales : hydrocarbures, métaux et pierres précieux, chrome, bauxite, cobalt, uranium, lithium, manganèse, charbon, terres rares... Avec sa superficie totale de 30,37 millions de kilomètres carrés (environ deux fois plus grande que celle de la Russie et avec un climat beaucoup plus chaud), elle possède suffisamment de sols fertiles pour nourrir tous les Africains. Grâce à sa situation géographique, l’Afrique a un accès direct aux couloirs mondiaux de transport, en particulier les couloirs océaniques.

Sur le plan politique, l’Afrique compte 54 États membres de l’Organisation des Nations unies (ONU), 27 membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), 6 membres de l’OPEP, 5 membres du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG). L’Afrique du Sud, l’Égypte et l’Éthiopie représentent le continent parmi les États membres des BRICS, et l’Afrique du Sud, l’Égypte et l’Union africaine participent régulièrement au G20.

L’Afrique s’achemine rapidement vers le renforcement de la structure institutionnelle nécessaire à l’harmonisation et à la réalisation des intérêts du continent. Elle s’appuie pour cela sur l’idée originale de panafricanisme, basée sur l’histoire séculaire des peuples africains et le traditionalisme local. Il ne fait aucun doute que « la renaissance des valeurs traditionnelles de la civilisation africaine est la clé de la montée de l’Afrique en tant que civilisation autonome ».

L’Union africaine est l’incarnation des principes panafricains. En consolidant les pays sur une plateforme continentale, elle élève de plus en plus sa voix dans la politique internationale au nom de tous les Africains. L’Union africaine revêt une importance particulière dans la planification stratégique. En 2015, le sommet d’Addis-Abeba a adopté l’Agenda 2063, un document directif visant à transformer le continent en une « zone de puissance » d’ici à 2063. Cette initiative fondamentale de l’Union africaine vise à promouvoir l’industrialisation et à renforcer l’unité africaine. Le projet stratégique de la création de la Zone continentale africaine de libre-échange, la plus grande du monde, vise à renforcer qualitativement les processus d’intégration afin de transformer l’Afrique en acteur commercial et politique de classe mondiale.

Un pas significatif vers l’élargissement des possibilités des Africains à défendre leurs priorités sur la scène internationale a été l’obtention par l’Union africaine en septembre 2023, avec le soutien de la Russie et d’autres États membres, du statut d’association-membre permanent du G20 sur un pied d’égalité avec l’Union européenne.

L’architecture d’un monde multipolaire repose sur des formats interpolaires horizontaux, et dans ce contexte, l’Union africaine, l’Afrique en tant qu’ensemble des États, est l’un des leaders mondiaux. Nous avons évoqué les sommets Russie-Afrique. Il existe des mécanismes similaires Afrique-Chine, Afrique-États-Unis, Afrique-Inde, Afrique-Union européenne, Afrique-Monde arabe, Afrique-Amérique latine, Afrique-Turquie. La mise en place d’un format Afrique-ASEAN s’impose.

L’intégration de l’Afrique dans les processus intercontinentaux est également assurée par la participation de certains États africains à l’Association de coopération régionale des pays côtiers de l’océan Indien (ACROI), à l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et à la Communauté des pays de langue portugaise.

Les groupements multinationaux au niveau sous-régional sont essentiels pour structurer l’espace africain. Il s’agit tout d’abord de la Communauté de développement de l’Afrique australe (CDAA), de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) ont un potentiel considérable. Le tissu dense des liens politiques et économiques à l’intérieur du pôle africain renforce la résilience de celui-ci.

Selon les experts russes bien informés, les pays africains « se soutiennent mutuellement sur la scène internationale et prennent des positions communes sur de nombreuses questions de l’agenda international ». Dans le même temps, l’Afrique s’efforce de canaliser les débats internationaux de façon constructive, en mettant l’accent sur la résolution des problèmes pratiques de développement socioéconomique, sur la lutte contre la pauvreté et l’injustice, sur l’élimination des pratiques modernes du néocolonialisme, sur la sécurité et le règlement des conflits, et sur le renforcement de la résistance aux épidémies.

Comme la majorité mondiale, et peut-être même dans une plus grande mesure, les Africains souffrent des tentatives de politisation des discussions internationales et de subordination des mécanismes de coopération internationale aux intérêts des anciennes métropoles coloniales.

Les Africains ne sont pas satisfaits d’être toujours utilisés comme extras dans le cadre des projets de politique étrangère présentés sous l’égide de « l’ordre fondé sur des règles ».

Il s’agit notamment de tentatives pour les attirer aux « sommets pour la démocratie » organisés à l’initiative de l’administration américaine en 2021-2024, de pressions exercées pour les forcer à voter en faveur des décisions antirusses à l’ONU et sur d’autres plateformes, d’efforts déployés pour obtenir au moins une apparence de soutien à des initiatives partiales visant à régler la crise ukrainienne qui ne tiennent pas compte des intérêts de la Russie. 

Les experts africains se plaignent que l’Occident n’est pas prêt à « accepter le droit des pays africains à leur propre agenda » et que la politique occidentale à l’égard de ses opposants se résume à « punir ceux qui ont leurs propres intérêts ». Nous ne pouvons que soutenir les Africains qui appellent ouvertement « l’UE et d’autres alliés des États-Unis à ne pas imposer un mode de vie et des valeurs à ceux qui n’en veulent pas ». Force est de constater que depuis un certain temps, le sujet de l’Ukraine a éclipsé tous les autres en Occident.

Renforcée par son potentiel naturel, la voix de l’Afrique retentit de plus en plus fort dans le monde. Il ne fait aucun doute que ce processus bénéfique s’intensifiera sur le sujet de la consolidation et de la reconquête de souveraineté du pôle africain. Toutefois, pour acquérir un niveau élevé d’autonomie économique et, par conséquent, de viabilité géopolitique, le continent noir doit d’abord « éliminer tous les effets persistants du colonialisme ».

L’Afrique en proie au néocolonialisme

L’Afrique, le continent qui a le plus souffert du néocolonialisme, a été impitoyablement pillé par les Européens pendant des siècles au détriment de ses ressources humaines et matérielles. Les biens volés ont servi de « carburéacteur » au développement avancé des pays européens et des États-Unis. Le poète libérien Bai Moore a écrit dans les années 1950 : « La civilisation bat son plein : l’or et les diamants sont expédiés en Europe ». Ces mots amers illustrent le traumatisme historique causé aux Africains par les métropoles coloniales. Les experts africains sont convaincus : les conditions préalables au retard de développement de l’Afrique et aux conflits territoriaux et ethno-confessionnels ont été principalement posées par la politique prédatrice des colonisateurs. 

L’Afrique a eu sa chance historique de gagner son indépendance et une importance dans les affaires mondiales avec le début de la décolonisation dans les années 1950-1960. Grâce au combat héroïque de plusieurs générations d’Africains pour leur indépendance, toute une série d’hommes politiques ont inscrit leurs noms dans l’histoire du monde. Patrice Lumumba, Nelson Mandela, Jomo Kenyatta, António Agostinho Neto, Samora Machel, Amilcar Cabral et bien d’autres. L’année 1960 a été déclarée « L’Année de l’Afrique ». Sur les 17 États admis à l’ONU en 1960, 16 étaient africains. Débarrassés de l’oppression militaire et politique des puissances coloniales (Belgique, Grande-Bretagne, Allemagne, Espagne, Italie, Portugal, France), ils avaient un chemin difficile à parcourir pour construire un nouveau système étatique. 

La fin annoncée de l’ère coloniale n’a pas véritablement libéré l’Afrique de la dépendance extérieure, principalement dans le domaine économique. Le continent, riche en ressources, mais sous-développé en termes d’infrastructures et d’industrie, attire toujours l’attention des entreprises occidentales transnationales. Pour l’écrivain kényan Ngugi wa Thiong’o, la lutte de l’Occident pour l’Afrique se résume à « l’accès aux ressources locales ». 

L’Afrique occupe toujours une place périphérique dans le système de la division internationale du travail et sert, en fait, de source de matières premières peu chères et de marché pour les produits à forte valeur ajoutée. Cet arrangement purement discriminatoire est absolument bénéfique pour l’Occident qui assure ainsi son développement au détriment des autres dans le cadre d’échanges inégaux. Pour préserver et consolider cette pratique, les anciennes métropoles utilisent un large éventail d’outils néocoloniaux. Il s’agit de l’asservissement par l’endettement via la politique de crédit du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et d’autres « donateurs » occidentaux, de l’exercice du contrôle extérieur sur les gouvernements africains et de la mise en œuvre de systèmes de pillage, impliquant le transfert des bénéfices vers les territoires occidentaux dans leur quasi-totalité. Comme l’ont bien noté les politologues africains, « l’Occident bénéficie d’un schéma qui fait que tout progrès se fait principalement aux dépens des entreprises transnationales et ne se convertit pas en développement ».

Il y a déjà eu des tentatives de briser ce système et de mettre les richesses de l’Afrique au service de ses habitants. Par exemple, les initiatives panafricaines du dirigeant de la République arabe libyenne Mouammar Kadhafi, brutalement assassiné avec l’aide de l’OTAN, visaient à exploiter le potentiel de l’Afrique dans le cadre de grands projets de développement. Les idées concernaient la création d’une monnaie commune (le dinar en or), la construction d’infrastructures aussi bien que la création d’une identité panafricaine.

Il n’est pas surprenant qu’une vision aussi progressiste de l’avenir du continent noir soit entrée en conflit direct avec les intérêts mercantiles et étroits de l’Occident et ses pratiques néocoloniales de pillage et de dictature.

Aujourd’hui encore, l’aide financière accordée à l’Afrique par les institutions de Bretton Woods et les États occidentaux individuels est soumise à des exigences humiliantes. Les experts africains se plaignent que l’Agence américaine pour le développement international, par exemple, promeuve un programme essentiellement politique enraciné dans l’idéologie néolibérale mondialiste. L’agence donne la priorité à son travail en Afrique en promouvant « la démocratie, en soutenant la société civile et en aidant à élire les dirigeants ». L’Initiative d’ «Accès global» de l’Union européenne ne propose rien de moins que de confirmer l’adhésion des Africains aux fameuses valeurs et normes occidentales (y compris le primat des LGBT, la justice juvénile, le racisme et la russophobie) en échange d’une assistance.

L’ampleur de l’exploitation systématique de l’Afrique par l’Occident peut être illustrée par la situation du marché mondial du café. L’Organisation internationale du café estime son chiffre d’affaires à 460 milliards de dollars par an. L’Afrique reçoit moins de 10 % de ces bénéfices. L’Allemagne à elle seule gagne plus annuellement sur le commerce du café que tous les pays africains réunis. Dans le domaine de la sécurité alimentaire, depuis l’époque coloniale, l’Occident, par l’intermédiaire de clans lobbyistes, a poursuivi une politique visant à éliminer les cultures locales traditionnelles du régime alimentaire des Africains en plantant du blé qui n’est pas adapté aux conditions climatiques de la région. En conséquence, de nombreux pays africains sont tombés dans un « piège à blé » créé par l’homme et sont contraints d’importer des produits coûteux à base de blé fabriqués dans l’UE.

En promouvant le fameux agenda climatique et environnemental en Afrique, l’Occident s’appuie également sur ses intérêts commerciaux et politiques égoïstes, qui vont à l’encontre des aspirations des pays africains. Comme l’a fait remarquer le président russe Vladimir Poutine, les pays africains « se voient imposer des outils et des technologies modernes. Mais ils ne peuvent pas les acheter... et personne ne leur donne d’argent. Mais ils sont obligés de dépendre à nouveau des technologies et des crédits occidentaux. Les prêts sont accordés à des taux épouvantables et ne peuvent être remboursés. C’est encore un autre outil du néocolonialisme ».

L’opinion de l’Occident sur son droit à contrôler les ressources africaines est amplement illustrée par la composition du « Partenariat pour l’approvisionnement en minerais » établi en 2022 pour l’Afrique : l’Australie, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Canada, la République de Corée, les États-Unis, la Suède, la Finlande, la France, le Japon et l’Union européenne. Le résultat de ces partenariats est toujours de priver les Africains de la possibilité de convertir leurs ressources en souveraineté économique, technologique et politique.

En raison de son ancrage dans l’agenda occidental, l’ONU apporte de l’eau au moulin de ces politiques. Il suffit de consulter la section « Afrique » du site web de l’Organisation mondiale, où la liste des problèmes de la région est dominée non pas par la pauvreté, non pas par les migrants (40 % du total mondial), non pas par le terrorisme ou la piraterie, non pas par les conflits, non pas par le trafic de drogue et d’armes, mais par le changement climatique. Les cinq missions de maintien de la paix de l’ONU en Afrique, selon les estimations d’analystes politiques africains, démontrent une incapacité chronique à améliorer la situation en matière de sécurité. Les activités des agences de l’ONU, en particulier le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et le Programme des Nations unies pour le développement, visent à répondre aux besoins immédiats en coordination avec des ONG occidentales engagées. Ajoutons à cela la politisation du système d’aide internationale au développement par les donateurs occidentaux.

L’Organisation mondiale aide l’Occident dans sa guerre cognitive globale en légitimant des concepts et des discours qui lui sont favorables. De nombreux pays africains sont contraints d’accepter, par exemple, que le programme de développement des Nations unies repose sur le concept erroné d’extrémisme violent. Il établit un lien entre la propagation des idéologies extrémistes radicales et les violations des droits de l’homme. Les recommandations des Nations unies, détails mis à part, se résument à limiter les pouvoirs et les outils des autorités dans la lutte contre les éléments extrémistes et parfois carrément terroristes qui menacent la stabilité et qui, pourtant, agissent conformément aux objectifs reflétant les intérêts de l’Occident. Les causes réelles du terrorisme – ingérence extérieure destructrice, affaiblissement et effondrement de l’État, contradictions intercommunautaires, souvent provoquées dans l’intérêt des sociétés transnationales occidentales – ne comptent pas.

Tout ce qui précède est le reflet des politiques nationales des pays occidentaux. Par exemple, la stratégie américaine pour l’Afrique subsaharienne donne la priorité à la propagation de la démocratie, au soutien à la société civile et aux activistes, à l’élargissement des droits des LGBT, à la lutte contre la désinformation (c’est-à-dire la censure de toute information qui n’est pas du goût des Américains ou de leurs satellites), et à la transition verte. J’ai déjà écrit que l’agenda révolutionnaire – dans le mauvais sens du terme – néolibéral consiste fondamentalement à générer de grandes sommes d’argent pour l’Occident et qu’il sert non pas un quelconque progrès ou développement, mais les intérêts des sociétés transnationales mondialistes. Ce qu’elles font en Afrique en est une illustration frappante.

De jeunes experts africains soulignent à juste titre que « pour sortir de l’assujettissement il faut commencer par décoloniser la pensée ». L’Occident observe avec inquiétude le processus de souverainisation de la communauté géopolitique africaine. Certains universitaires occidentaux sont contraints de reconnaître que « les pays africains doivent être compris et respectés ». Il est intéressant de noter qu’en Occident, des voix s’élèvent pour dénoncer l’expression « Sud global » comme un produit supposé de la propagande russe. Ils s’inquiètent du fait que la Russie « joue sur la frustration de l’Afrique qui n’est pas correctement représentée dans l’économie et la gouvernance mondiales ». Ils rappellent que « le continent n’acceptera pas qu’on lui fasse la morale ».

Le sentiment maladif de leur propre supériorité empêche les Anglo-Saxons et les Européens de traiter les pays du Sud et de l’Est comme des égaux. Que dire, si à Bruxelles en 1958, c’est-à-dire à une époque assez récente à l’échelle historique, dans le cadre de l’Exposition internationale (Expo 58), on montrait comme « pièces d’exposition » dans l’un des pavillons des personnes vivantes amenées du Congo belge. Des zoos humains ont fonctionné dans la région euro-atlantique, notamment à Anvers, Londres, New York et Hambourg, tout au long de la première moitié du XXe siècle.

Le temps, cependant, prend son dû. La principale tendance historique est que l’ère de la domination occidentale sur le continent Africain a pris fin.

L’effondrement des zones d’influence postcoloniales des anciennes métropoles est en cours. Il suffit de mentionner à quelle rapidité la portée du contrôle politico-militaire de Paris diminue dans les pays de la Francophonie africaine. Les Africains se débarrassent progressivement du fardeau des mécanismes de coopération obsolètes et inefficaces, y compris dans le domaine de la sécurité, des mécanismes liés aux intérêts néocoloniaux de l’Occident (exemple récent : la création de l’Alliance, puis de la Confédération des États du Sahel). En prenant en main la solution de problèmes chroniques, les dirigeants de la résistance au diktat extérieur sont guidés par le principe que des historiens africains formulent comme suit : « Seuls des schémas qui ne sont pas imposés de l’extérieur, mais élaborés par les Africains peuvent fonctionner sur le continent ». Par ailleurs, le principe bien connu « des solutions africaines aux problèmes africains », à l’ère de la régionalisation de la politique mondiale, devient un prototype à des approches similaires pour résoudre les problèmes de sécurité du Moyen-Orient, de la zone du golfe Persique, de l’Afghanistan, de l’Asie de l’Est et du continent eurasiatique dans son ensemble, des approches qui impliquent que les pays de la région sont responsables de leur propre destin.

Enfin, il est également utile que la libération africaine s’intègre harmonieusement dans le contexte international général du renforcement de la multipolarité. Les changements dans les rapports de force internationaux sont devenus irréversibles. Des experts africains soulignent que, dans le nouveau contexte, le continent doit miser sur le développement de ses propres institutions, le renforcement de la coopération interafricaine, qui serait fondée sur le principe de l’avantage mutuel et non sur la dépendance. Ces idées et d’autres thèses clés ont été exprimées lors des réunions du comité d’organisation du Forum interpartis des partisans de la lutte contre les pratiques actuelles du néocolonialisme, initié en 2023 par le parti politique russe Russie unie. La réunion constitutive du forum a eu lieu en février 2024 avec une large représentation des Africains. Le résultat du travail commun a été la naissance du mouvement anticolonial « Pour la liberté des nations ! ».

Il convient de considérer comme une victoire politique sérieuse l’adoption, le 4 décembre 2024, de la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies « Élimination du colonialisme sous toutes ses formes et manifestations », dont le projet a été préparé par les États membres du Groupe des amis pour la défense de la Charte des Nations unies sous l’égide de la Russie. La grande majorité des pays africains ont voté en faveur de cette résolution visant à assurer la pleine application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux de 1960, et, dans ce contexte, envisageant de proclamer le 14 décembre Journée internationale de la lutte contre le colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations (pour marquer la date de l’adoption de la Déclaration). Cette mesure, soutenue par les Africains, est considérée comme une garantie que l’ONU n’est pas encore perdue et qu’elle peut jouer un rôle constructif dans la consolidation des forces progressistes pour lutter contre l’hégémonie et l’injustice.

Les BRICS, dans lesquels l’Afrique est aujourd’hui représentée par l’Afrique du Sud, l’Égypte et l’Éthiopie, sont censés jouer le rôle de locomotive dans le processus de renforcement de la multipolarité. La République du Congo et la Mauritanie ont également pris part au format « BRICS+/outreach » du sommet des BRICS à Kazan en octobre 2024. En plus de l’importance politique liée à la participation des Africains à cette union multilatérale, il existe une dimension pratique relative aux initiatives monétaires et financières des BRICS. La Nouvelle banque de développement et le Pool de réserves monétaires sont des instruments fiables et dépolitisés sur lesquels les pays africains pourront s’appuyer pour régler les questions de développement souverain. Des hommes politiques et les experts africains apprécient le potentiel des BRICS et estiment que l’association est le moteur de la construction d’un nouvel ordre international juste, le fondement de l’architecture des relations internationales, qui remplace les mécanismes unipolaires. Des politologues russes sont solidaires en la matière : l’élargissement des BRICS, l’adhésion de l’Égypte et de l’Éthiopie, « est une preuve tangible que le monde évolue vers la multipolarité ».

Sous nos yeux, selon une remarque pertinente du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, « l’Afrique vit son deuxième réveil, cette fois de l’oppression néocoloniale, des pratiques qui freinent son développement ». Avec une redistribution ultérieure du pouvoir économique et politique à l’échelle mondiale et la création de plates-formes financières, économiques, politiques et humanitaires alternatives à celles de l’Occident, les Africains auront davantage d’occasions de s’engager sur la voie du développement national. La Russie est prête à accorder son plein appui à ses amis africains en la matière.

Russie et Afrique : un temps pour ramasser des pierres

Que Dieu nous envoie de la pluie ou des Russes.
Proverbe somalien 

La doctrine de politique étrangère de la Russie postule qu’elle a l’intention de contribuer à l’émergence du continent africain « en tant que centre distinctif et influent du développement mondial ». Selon Vladimir Poutine, la coopération avec les États africains est l’une des priorités constantes de la politique étrangère de la Russie. La déclaration du sommet Russie-Afrique évoque les relations amicales anciennes et éprouvées entre la Fédération de Russie et les États africains, le respect et la confiance mutuels, les traditions de lutte commune pour l’élimination du colonialisme et l’indépendance des États africains. Nous avons une image commune de l’avenir. La déclaration commune à l’issue de la conférence ministérielle de Sotchi en 2024 met l’accent sur « la responsabilité de la Fédération de Russie et des États africains dans la contribution à la formation d’un ordre mondial juste et stable fondé sur les principes de l’égalité souveraine des États, de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures et du respect de la souveraineté ».

La Russie a intérêt à la consolidation interne de la civilisation africaine, à sa prospérité sur des bases souveraines. Comme nos amis africains, nous rejetons les pratiques modernes du néocolonialisme et condamnons la politique des sanctions unilatérales. Nous sommes unis par le souhait de démocratisation des relations internationales et par l’attachement au principe de l’égalité souveraine des États. Nous ne regardons pas de haut les Africains, nous respectons leurs aspirations et leurs intérêts, nous sommes prêts pour un partenariat équitable, nous n’imposons pas d’idéologie, de valeurs ou de modèles de développement. Pour nous, les relations avec chaque pays sont précieuses. Comme l’a noté Vladimir Poutine, « dans l’histoire de nos relations avec le continent Africain, il n’y a jamais eu de pages sombres, nous n’avons jamais été impliqués dans l’exploitation des peuples africains, jamais été engagés dans quoi que ce soit d’inhumain sur le continent africain. Au contraire, nous avons toujours soutenu l’Afrique et les Africains dans la lutte pour leur indépendance, pour leur souveraineté, pour la création des conditions de base au développement économique ».

Les Africains se souviennent avec gratitude de la contribution de l’URSS à la décolonisation, à la formation de leurs économies, à leurs capacités de défense et à leur souveraineté. Toutes les infrastructures construites avec la participation de notre pays ont servi de base au développement de leurs pays et ont contribué à l’augmentation du niveau de vie de la population. En 1980, l’URSS avait des accords de coopération technique et économique avec 37 des 53 pays du continent, elle avait construit 600 entreprises et d’autres infrastructures. Le peuple soviétique était engagé dans la construction d’écoles, d’hôpitaux, de fermes, de systèmes d’irrigation, de routes. Les politologues africains soulignent que, contrairement aux anciennes métropoles, la Russie vise historiquement à aider à résoudre les problèmes réels, sans poursuivre des intérêts égoïstes.

En Afrique, il n’y a pas d’États hostiles à la Russie. Aucun pays du continent n’a adhéré aux sanctions antirusses. L’Afrique occupe la première place parmi ceux qui refusent de soutenir les projets de résolutions anti-russes de l’Assemblée générale des Nations unies lancés par l’Occident.

Les pays africains voient la Russie comme un guide intellectuel capable de promouvoir au sein des organisations internationales un agenda répondant aux aspirations de l’Afrique et des pays du Sud.

La Russie est considérée comme un acteur qui soutient l’Afrique dans sa recherche légitime d’une plus grande représentation au sein des institutions internationales, notamment le Conseil de sécurité de l’ONU. Sur ce point, les Africains ont une position commune, formulée dans le cadre du Consensus d’Ezulwini et de la déclaration de la 5e session de l’Assemblée de l’Union africaine, tenue à Syrte, en Libye. La Russie respecte cette position.

À présent, la Russie revient sur le continent africain. Elle renoue les liens et rattrape le temps perdu. Pour comprendre l’ampleur de cette mission, il faut regarder et comparer les chiffres. En 1985, les échanges commerciaux de l’URSS avec les pays africains s’élevaient à 5,9 milliards de dollars. En 1995, ils ne représentaient plus que 980 millions de dollars. Dans la plupart des ambassades de Russie dans les pays africains, le poste de conseiller économique avait disparu. La Russie avait fermé ses ambassades au Burkina Faso, en Guinée équatoriale, au Lesotho, au Liberia, au Niger, à Sao Tomé-et-Principe, en Somalie, en Sierra Leone et au Togo, ainsi que ses consulats à Oran (Algérie), Lobito (Angola), Port-Saïd (Égypte), Benghazi (Libye), Toamasina (Madagascar), Beira (Mozambique), Ajaokuta (Nigeria) et Zanzibar (Tanzanie).

Des milliers de spécialistes russes qui avaient travaillé avec succès en Afrique ont dû partir. Tout cela a été fait sous le couvert d’une « raisonnabilité économique » pour la Russie, qui, depuis des années, aurait « alimenté l’Afrique pour des raisons idéologiques » sans obtenir rien de concret en retour. Pourtant, pendant la période soviétique, de très importants volumes de produits manufacturés ont été exportés vers l’Afrique, ce qui n’a pas été pris en compte par les réformateurs de la première moitié des années 1990. La Russie a ainsi perdu de vastes marchés pour ses produits à valeur ajoutée, des sources de ressources stratégiquement importantes pour le développement des secteurs modernes de l’économie et, bien sûr, un grand nombre de liens humains inestimables. Heureusement, nous avons tourné et laissé derrière nous cette triste page de l’histoire.

Les visites fréquentes de Sergueï Lavrov dans les pays du continent témoignent de l’importance accordée à l’Afrique dans la politique étrangère actuelle de la Russie. En 2024, Sergueï Lavrov s’est rendu en Guinée-Conakry, au Congo-Brazzaville, au Burkina Faso et au Tchad. En 2022 et 2023, le ministre des Affaires étrangères a visité l’Égypte, le Congo-Brazzaville, l’Ouganda, l’Éthiopie, l’Eswatini, l’Angola, l’Érythrée, le Mali, la Mauritanie, le Maroc, la Tunisie, le Soudan, le Kenya, le Burundi, le Mozambique et s’est rendu trois fois en Afrique du Sud.

J’ai eu la chance d’accompagner le ministre lors de ces voyages. Presque partout où Sergueï Lavrov a été accueilli, il était clair que nous étions les bienvenus sur le continent et que la Russie était perçue comme une force de vérité, d’égalité et de justice sur la scène internationale, une force défendant une véritable souveraineté des États. Il est révélateur que des experts africains associent l’opération militaire spéciale russe en Ukraine au succès des peuples africains dans leur lutte pour l’indépendance, constatant que le déroulement de la confrontation russo-occidentale influence l’état d’esprit des forces souverainistes nationales dans la région. Au cours de ces visites, j’ai entendu cette idée exprimée à maintes reprises par des responsables africains.

Notre pays peut aider l’Afrique dans sa mission stratégique de souverainiser les domaines clés de la vie et de se libérer de toutes les formes de dépendance néocoloniale. Nous devons aider l’Afrique à s’élever à plusieurs niveaux à la fois dans la division internationale du travail.

La Russie peut faire beaucoup pour renforcer l’État dans les pays africains. Nous avons commencé à mettre l’accent sur notre rôle de garant de la sécurité globale des pays du continent. La présence de formateurs militaires russes, l’entraînement du personnel des forces armées et des forces de l’ordre, la fourniture et la réparation d’équipements militaires et le soutien aux autorités légitimes dans les conflits ont un effet stabilisateur et créent des conditions propices au développement. Comme le soulignent les analystes locaux, « après l’échec des forces de maintien de la paix de la France et de l’ONU en Afrique, la Russie s’est montrée un partenaire fiable, réalisant en quelques mois ce que les forces internationales n’ont pas pu faire pendant des années ».

La Russie est en mesure de contribuer à l’industrialisation du continent africain grâce à la construction d’infrastructures, d’installations de production et de centrales nucléaires équipées de PRM et à la fourniture de réacteurs modulaires. La Russie contribue à assurer la sécurité alimentaire et énergétique, à améliorer la situation dans le secteur de la santé et à renforcer le mécanisme panafricain de réponse aux risques d’épidémie. Les Africains se souviennent de la participation des spécialistes du ministère russe de la Santé et de Rospotrebnadzor (Service sanitaire russe) à la lutte contre la fièvre d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014–2015, ainsi que de la livraison rapide des vaccins Spoutnik V lors de la pandémie de COVID-19. Il existe de grandes perspectives de coopération dans les domaines de l’énergie, de l’exploration géologique, de l’exploitation minière, de la science et de la formation, des télécommunications, de la cybersécurité et de l’agriculture. Les Africains sont intéressés par une coopération avec la Russie dans le domaine des technologies de pointe : cela comprend l’exploration spatiale et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, ainsi que le développement de technologies de l’information avancées au niveau national. De plus, notre coopération n’est pas soumise à des conditions politiques.

Ce que nous devons créer à l’avenir, c’est une plateforme de paiement non occidentale. La plupart des organisations internationales dépendant de l’Occident, l’aide bilatérale à l’Afrique devient de plus en plus importante. L’assistance directe et gratuite aux pays du continent qui en ont besoin par la fourniture de céréales, d’engrais et de carburant est un aspect important de la politique russe.

En termes de coordination, il est très important de maintenir le rythme du dialogue politique avec l’Afrique en organisant des sommets bilatéraux tous les trois ans (le prochain se tiendra en 2026) et, dans l’intervalle, des réunions ministérielles annuelles du forum de partenariat Russie-Afrique (en 2025, elle devrait avoir lieu dans l’un des pays africains). La coordination avec les structures régionales offre d’excellentes perspectives. Il s’agit notamment de l’Autorité intergouvernementale pour le développement, de la Communauté de développement d’Afrique australe, du COMESA, de la CÉDÉAO, de l’Alliance des États du Sahel et de la CÉÉAC. Nous constatons que l’Union africaine se montre intéressée à relier la zone de libre-échange continentale africaine aux processus d’intégration au sein de l’Union économique eurasiatique. À l’avenir, la zone de libre-échange continentale africaine pourrait être reliée à d’autres structures d’intégration dans le cadre de la création, sur l’initiative de Vladimir Poutine, d’un format externe du Grand Partenariat eurasiatique

La Russie s’est engagée sur la voie de la réouverture et de l’ouverture de nouvelles ambassades en Afrique, notamment au Niger, en Sierra Leone, au Soudan du Sud, en Gambie, au Libéria, aux Comores et au Togo. En 2024, la Russie a ouvert des ambassades au Burkina Faso et en Guinée équatoriale. Certaines personnes ayant fait carrière dans la diplomatie à l’époque de la fraternisation avec l’Occident, dans les années 1990 et 2000, disent parfois que peu de gens voudront travailler en Afrique car le climat y est plus rude qu’en Europe et la médecine de moins bonne qualité. Ces jugements sont en partie justifiés. À chacun de décider ce qu’il souhaite dans le cadre de sa profession. Toutefois, servir la patrie, c’est avant tout remplir les missions assignées par le gouvernement, et seulement en deuxième ou troisième lieu assurer son confort personnel, quel que soit le sens qu’on donne à ce terme. C’est sur cette position que s’appuie le ministère russe des Affaires étrangères en envoyant des diplomates vers des pays non occidentaux, ce que nous aurions dû faire depuis longtemps.

Le développement des relations entre parlements contribue au partenariat global russo-africain : la conférence parlementaire internationale « La Russie et l’Afrique dans un monde multipolaire », tenue à Moscou en mars 2023, a suscité beaucoup d’intérêt.

Dans ce contexte nouveau, les entreprises russes adoptent une posture plus dynamique et proactive, ce qui leur ouvre des opportunités inépuisables sur le continent africain. L’idée qu’il est plus rentable d’entrer en Afrique uniquement par le biais d’intermédiaires occidentaux perd rapidement du terrain. Les hommes d’affaires russes doivent élargir leurs propres connaissances des marchés africains. Le plus important est que la coopération économique avec l’Afrique ne repose pas sur des principes idéologiques, comme à l’époque soviétique, mais sur la complémentarité des économies et le bénéfice mutuel.

En Russie, il faut sensibiliser à l’Afrique et à ses difficultés, et pas seulement les représentants du monde des affaires. Nous devons étudier l’Afrique et les pays du Sud en nous appuyant sur des sources locales et nos propres informations, plutôt que sur les articles du New York Times et les rapports du FMI. Nous devons revenir aux travaux de l’école soviétique d’études régionales. Nous devons nous familiariser plus profondément avec les œuvres des auteurs africains, nous débarrasser du complexe psychologique de l’occidentalocentrisme, de l’habitude de juger les autres depuis la position de « l’homme occidental ». La Russie a l’avantage d’une tradition unique de formation de spécialistes de l’Afrique parlant couramment les langues africaines. Au MGIMO, on enseigne le swahili, l’afrikaans et l’amharique. L’Institut des pays d’Asie et d’Afrique propose également l’apprentissage de ces langues, ainsi que celui du peul. Les langues africaines sont enseignées à l’Université russe de l’Amitié des peuples, à l’Université d’État des sciences humaines de Russie, à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg et dans d’autres universités russes. Néanmoins, à l’époque soviétique, le nombre de langues enseignées et le nombre d’étudiants était plus élevé. Nous avons encore des efforts à faire dans ce sens.

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Le rôle de l’Afrique dans la politique mondiale ne cesse d’augmenter. L’émergence d’une identité panafricaine est lente, mais la conscience de soi croissante des peuples africains et leur désir de rattraper ce qui a été perdu à l’époque coloniale et postcoloniale constituent une puissante motivation pour l’Afrique de s’établir comme l’un des pôles de l’ordre mondial multipolaire. Cette perspective, comme le soulignent à juste titre les intellectuels africains, a un impact direct sur le destin de la multipolarité .

Dans leur lutte pour la justice et une « place au soleil », les Africains peuvent toujours compter sur le soutien amical de la Russie.

Auteur : Alexeï Drobinine, directeur du département de la planification de la politique étrangère du ministère russe des Affaires étrangères



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