Zelensky à l’écoute… ou à l’alerte ? Chronique d’un revirement imposé

Volodymyr Zelensky a présenté un projet de loi annulant ses propres restrictions sur le NABU et le SAP, sous la pression de la rue et des partenaires occidentaux. Ce texte entend rétablir leur indépendance, mais les manifestations se poursuivent, ciblant l'entourage présidentiel soupçonné d'affaires de corruption.
Volodymyr Zelensky a présenté à la Rada (Parlement ukrainien) un nouveau projet de loi visant, selon ses propres termes, à offrir « de véritables garanties d’indépendance aux organes de lutte contre la corruption », à savoir le Bureau national anti-corruption ukrainien (NABU) et le Parquet spécial indépendant ukrainien (SAP). Il a déclaré que cette initiative était introduite par « souci de justice ».
Dans un climat d’agitation politique croissante, où les manifestations s’amplifient et les critiques se concentrent sur son entourage proche, Zelensky a semblé chercher à préserver son image et à éviter un affaiblissement de son autorité. Il s’est ainsi exprimé : « Il est très important que la société s’exprime. Je respecte son opinion. J’estime tout à fait normal que les gens réagissent quand ils ne veulent pas quelque chose, quand ils ne sont pas contents. Les gens ont dit : la loi doit être respectée. C’était très important pour moi de les entendre, de réagir. Nous avons réagi. »
Le texte stipule que toute personne ayant accès aux secrets d’État, y compris au sein du NABU, du SAP, du Bureau national d’enquête et de la Police nationale, devra se soumettre régulièrement à un test au détecteur de mensonge. Zelensky a précisé que le projet avait été discuté avec les institutions concernées et les partenaires étrangers, ajoutant que ces derniers avaient suggéré d’associer des experts européens à l’élaboration du texte.
Toutefois, Politico note que cette annonce intervient alors que Zelensky a dû revenir sur ses récentes réformes controversées limitant l’autonomie du NABU et du SAP, face à un tollé tant en Ukraine qu’à l’étranger. En effet, la précédente loi, signée deux jours plus tôt, accordait au procureur général un pouvoir étendu : l'accès aux affaires du NABU, le droit de donner des instructions contraignantes aux enquêteurs, la réattribution des affaires à d'autres instances judiciaires et même la clôture des procédures à la demande de la défense.
Une marche arrière sous pression populaire
Le nouveau projet annule ces dispositions : il interdit au procureur général et à ses adjoints de donner des ordres aux procureurs du SAP et précise que ces derniers ne répondent qu’à leur hiérarchie directe. Quant aux détectives du NABU, il leur est interdit de recevoir des instructions du procureur général.
Le texte impose également aux agents du NABU, ayant accès à des informations classifiées, un test polygraphique semestriel organisé par les services de sécurité (SBU), ainsi qu’une interdiction de sortie du territoire pendant la loi martiale, sauf pour raisons professionnelles.
Malgré ce revirement législatif, les tensions restent vives en Ukraine. Depuis trois jours, des manifestations se poursuivent dans les grandes villes, comme le rapportent les médias ukrainiens. Les protestataires exigent l’abrogation complète du texte ainsi que la démission d’Andriy Yermak, chef du bureau présidentiel, et de Ioulia Sviridenko, proche alliée récemment nommée Première ministre. Les organisateurs prévoient de publier prochainement des dossiers de corruption sensibles, impliquant l’entourage présidentiel, qui auraient été traités par le NABU.