Bruxelles contre-attaque : une riposte mesurée aux droits de douane américains

Face aux taxes de Donald Trump sur l’acier et l’aluminium, l’Union européenne riposte en taxant 22 milliards d’euros de produits américains, de la volaille aux diamants. Une réponse prudente votée le 9 avril malgré des divisions internes.
L’escalade commerciale entre les États-Unis et l’Union européenne (UE) franchit une nouvelle étape. Mercredi 9 avril, les Vingt-Sept doivent valider à la majorité qualifiée une liste de produits américains frappés de droits de douane à 25 %, en réponse aux taxes similaires imposées par Donald Trump dès le 12 mars sur l’acier et l’aluminium européens, d’une valeur de 26 milliards d’euros. Cette rétorsion, qui cible 22 milliards d’euros d’importations américaines, inclut un éventail hétéroclite : tabac, jus d’orange, motos, diamants, fil dentaire ou encore bateaux de luxe. Une liste soigneusement calibrée, dont l'entrée en vigueur sera effective dès le 15 avril pour certains produits, mais s'étalera jusqu’au 1er décembre pour d’autres, comme le soja.
Répliquer sans trop fâcher dans une Europe divisée
L’objectif de l’UE est clair : répliquer sans enflammer davantage une guerre commerciale que Bruxelles souhaite éviter. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a proposé une exemption réciproque des droits de douane sur les biens industriels, une main tendue rejetée par Donald Trump, obnubilé par la TVA européenne et son déficit commercial. Ce dernier a d’ailleurs moqué les dirigeants européens qui selon lui « meurent d’envie de passer un accord » dans une prise de parole pour le moins crue.
💬“Ils me lèchent le cul. Ils meurent d’envie de passer un accord”
— BFMTV (@BFMTV) April 9, 2025
Donald Trump tacle les pays qui veulent négocier sur les droits de douane américains pic.twitter.com/NFWjsIWK2l
« L’Europe est prête à un bon accord, mais aussi à défendre ses intérêts », a martelé la présidente de la commission, évoquant un équilibre entre négociation et fermeté. Pourtant, cette riposte reste en deçà des 370 milliards d’euros d’exportations européennes désormais taxés par Washington, dont 25 % sur les voitures et 20 % sur une vaste gamme de produits depuis ce 9 avril.
Les divisions internes ont pesé sur l’ampleur de la réponse. La France, l’Italie et l’Irlande ont obtenu le retrait du bourbon et des produits laitiers, craignant des représailles américaines à 200 % sur leurs vins et spiritueux.
L’Italie de Giorgia Meloni, proche de Donald Trump, a plaidé sans succès pour un report, avant sa visite à Washington la semaine prochaine. Seule la Hongrie, alignée sur le président américain, s’oppose ouvertement au vote. « On a fait le plus facile, et ce n’était déjà pas simple », confie un diplomate européen, soulignant la difficulté à concilier les intérêts des Vingt-Sept.
Diversifier l’économie européenne
Parallèlement, l’UE mise sur la diversification. Les 87 % de son commerce réalisés hors États-Unis, avec le Canada, l’Asie ou le Mercosur, sont une bouée de secours. L’accord avec ce dernier, conclu fin 2024, gagne en soutien, même en Autriche. Face à la Chine, qui subit des taxes américaines à 54 % et pourrait inonder l’Europe de produits bon marché, Ursula von der Leyen appelle à une coopération pour un commerce « équitable » et a eu un échange allant dans ce sens avec le Premier ministre chinois.
Constructive phone call discussion with Premier Li Qiang.
— Ursula von der Leyen (@vonderleyen) April 8, 2025
We took stock of the state of EU-China relations as we approach 50 years of diplomatic ties and on global issues.
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La riposte européenne, prudente mais stratégique, cherche ainsi à limiter les dégâts tout en préparant l’avenir dans un monde commercial bouleversé par Trump.
Bruxelles adopte pour l’heure une stratégie graduée, respectant les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et une deuxième salve de mesures est en préparation, visant potentiellement les services numériques ou financiers américains, où Washington dégage un excédent. Une taxe digitale, visant les géants comme Meta ou Apple, est ainsi évoquée, bien que difficile à faire adopter unanimement.