Turquie : quatrième nuit de protestation consécutive après l'arrestation officielle du maire d'Istanbul

Un juge a ordonné ce 23 mars l'incarcération d’Ekrem Imamoglu pour «corruption». Son arrestation, survenue le 19 mars, a donné lieu à une vague de protestations dans plusieurs villes de Turquie.
Le parquet d’Istanbul a requis en ce matin du 23 mars l'arrestation officielle du maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, principale figure d’opposition du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) arrêté pour des accusations de «corruption» et de «soutien au terrorisme». La décision d’inculper et d'emprisonner le maire stambouliote dans l'attente de son procès revient désormais au tribunal.
L'arrestation cette semaine du maire d’Istanbul, la plus grande ville du pays, avait déclenché des mouvements de protestations inédits en Turquie depuis les protestations anti-gouvernementales de 2013. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du pays afin de protester contre les procédures engagées contre l’opposant turc.
Polis ekiplerinin Saraçhane'de direnen vatandaşlara yoğun biber gazı müdahalesiyle saldırdığı anlar: pic.twitter.com/AylTYfheZv
— Solcu Gazete (@solcugazeteX) March 22, 2025
Pour de nombreux protestataires, l’arrestation d’Ekrem Imamoglu est une manœuvre politique pour l’écarter de la prochaine élection présidentielle de 2028. Une accusation réfutée par les officiels du gouvernement qui indiquent que l’appareil judiciaire est indépendant en Turquie.
People in Turkey are rising up in protest against Erdogan...
— Art Candee 🍿🥤 (@ArtCandee) March 22, 2025
And Elon Musk is suspending accounts to help shield him.
Free speech absolutist, my arse. pic.twitter.com/3nNdpufeBl
Interrogé puis arrêté officiellement
D’après des sources de presse locale, Ekrem Imamoglu a été interrogé pendant près de cinq heures dans la journée du 22 mars, dans le cadre d'une enquête sur des allégations de collaboration avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), interdit en Turquie. Un interrogatoire similaire d’une durée de quatre heures avait eu lieu la veille, pour des accusations de corruption. Le maire d’Istanbul a rejeté toutes les accusations à son encontre durant les deux interrogatoires.
Il a ensuite été transféré au tribunal de Caglayan à Istanbul, avec 90 coaccusés, escorté avec un très important dispositif policier, pour être interrogé par le parquet à deux reprises durant la nuit.
La justice s’est prononcée au matin de ce 23 mars sur l’arrestation officielle du maire dans le cadre de l’affaire de «corruption», ainsi que l'incarcération de plusieurs de ses coaccusés, selon des médias turcs.
La police locale a, de son côté, interdit l'accès au tribunal, érigeant des barricades sur les routes et fermant les stations de métro situées à proximité. Un important dispositif sécuritaire, composé de centaines de policiers et de plus d'une douzaine de camions-citernes, a été déployé autour du bâtiment, ce qui n’a pas empêché le rassemblement de centaines de manifestants devant le tribunal.
Réponse policière
Jusqu’à présent, les manifestations en Turquie se sont distinguées de manière générale par un caractère plutôt pacifique, à part quelques incidents isolés qui ont donné lieu à des affrontements entre police et manifestants, notamment à Istanbul, où des protestataires ont lancé des fusées éclairantes et des pierres sur les forces de l’ordre, qui ont riposté avec du gaz poivre. La police d’Ankara a, de son côté, eu recours aux canons à eau et au gaz lacrymogène pour disperser la foule.
Selon le ministre turc de l'Intérieur, Ali Yerlikaya, «343 suspects ont été arrêtés lors des manifestations organisées dans neuf provinces» dans le cadre de l'enquête de la municipalité métropolitaine d'Istanbul.
Ankara Kızılay'da Ekrem İmamoğlu'nun gözaltına alınmasını protesto eden yurttaşlara polis müdahale etti.
— Solcu Gazete (@solcugazeteX) March 22, 2025
pic.twitter.com/onWN2xn7vz
«86 millions de citoyens… aux urnes»
L'arrestation d'Ekrem Imamoglu avait eu lieu à quelques jours seulement de son investiture lors des primaires en tant que candidat du Parti républicain du peuple (CHP) à la présidentielle. Le parti d'opposition a également exhorté les citoyens à participer à une élection symbolique dimanche – grâce à des urnes improvisées qui seront installées dans toute la Turquie – en signe de solidarité avec Imamoglu.
Dans un tweet publié par Imamoglu ce 23 mars sur X, le maire a écrit : «J’invite mes 86 millions de citoyens à se rendre aux urnes et à annoncer au monde entier leur lutte pour la démocratie et la justice. Je reste debout, je ne m'inclinerai jamais. Tout ira bien».