France : la dette nationale met la hausse des dépenses de défense en péril

En souhaitant renforcer ses forces armées, la France se retrouve face à une situation difficile où elle doit trouver des fonds colossaux, en évitant d’alourdir les impôts déjà élevés dans le pays. Les solutions tardent à venir et l’armée fonctionne à crédit.
Avec une dette publique dépassant les 3 300 milliards d'euros et une charge de la dette de 67 milliards d'euros annoncés au printemps 2025 par le ministre français de l’Économie, Éric Lombard, l’intérêt de la dette française s’impose désormais comme l’un des budgets les plus lourds derrière les 88 milliards d’euros destinés à l’éducation et devant les 60 milliards de la Défense. Pire encore, l’intérêt de la dette pourrait augmenter rapidement à 100 milliards d’euros, selon le ministre.
Ce lourd endettement de la France menace de freiner ses ambitions de la défense. Le ministère des Armées est désormais confronté à une dette de plusieurs milliards d’euros d’équipements militaires déjà commandés, mais pas encore payés.
Le président Emmanuel Macron a appelé le 5 mars dernier à augmenter le budget militaire annuel de 3 à 3,5 % du PIB, contre environ 2 % actuellement, ce qui impliquerait un doublement des dépenses annuelles par rapport à l'année dernière, pour atteindre 100 milliards d'euros à l’horizon 2030.
Cet effort budgétaire est supposé permettre à la France de se conformer aux nouveaux objectifs de dépenses militaires directes qui devraient être fixés lors du prochain sommet de l'OTAN en juin.
Choix difficiles à venir
L’ancien ministre de Macron, désormais Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, Clément Beaune a réalisé en mai une analyse concluant qu'une « solutions plus radicale » pour trouver les fonds nécessaires à la défense serait nécessaire, tout en étant transparent envers le public quant aux choix difficiles à venir. Le rapport Beaune recommande dès lors de combiner les réductions des dépenses publiques aux réformes économiques visant à accroître la population active et de recourir aux emprunts conjoints européens, bien qu'il n'y ait pas de consensus en faveur de tels emprunts parmi les États membres de l'UE.
Avec une dette publique française qui explose à un ratio dette/PIB de 113 % en 2024, juste derrière la Grèce et l'Italie, et un déficit budgétaire de 5,8 % du PIB fin 2024, dépassant la barre européenne des 3 %, la situation de la France est pour le moins difficile. La décision de Macron de faire de la reconstruction de l’armée une priorité nationale n’arrange en rien la situation, après des décennies de coupes budgétaires après la guerre froide, la France a adopté des budgets militaires pluriannuels successifs, de 2019 à 2030, visant à rétablir ses forces déjà bien affaiblies.
Bayrou : des solutions qui tardent à venir
Le président français, qui avait exclu l'augmentation des impôts, a demandé au Premier ministre François Bayrou, en mars dernier, de proposer des solutions pour augmenter les dépenses militaires tout en tenant ses promesses de réduction du déficit.
« La défense est désormais une priorité évidente pour tous. Mais ça n’efface pas d’autres priorités, par exemple le souci des finances publiques, par exemple le souci du pacte social », a déclaré Bayrou le 6 mars dernier, mais n’a toujours pas proposé de solutions, affirmant que le budget 2026 monopolisait ses efforts. Ce retard a irrité Macron, selon des proches du président, cités par le Financial Times.
Le financement de l'Ukraine a obligé le ministère des Armées à retarder le paiement de ses équipements
Le rapport du sénateur Dominique de Legge a révélé que le financement de l'Ukraine et le déploiement de troupes françaises sur le flanc est de l'OTAN avaient entraîné des dépassements de dépenses en 2024, obligeant le ministère des Armées à retarder le paiement de factures d'environ 8 milliards d'euros. La somme devra être payée avant la fin de l’année, selon la presse française.
La situation de la défense française est confrontée à un réel paradoxe. Si la France parle de mettre une économie de guerre sur pied, son armée fonctionne portant à crédit. Selon la Loi de programmation militaire, 413 milliards d’euros seront alloués à la défense jusqu’en 2030. Sauf que le budget n’existe que sur le papier. Dans les faits, ce budget est déjà largement entamé à hauteur de 99 milliards d'euros, qui serviront à honorer d’anciens engagements.