La Poste et l’IA : quand les salariés sont sous surveillance

Diffusé le 10 avril sur France 2, un documentaire de Cash Investigation expose l’usage par La Poste d’une IA pour surveiller ses employés. Entre évaluation automatisée et dérives, cette pratique interroge la vie privée et les conditions de travail.
Le 10 avril l’émission de télévision du service public Cash Investigation a braqué les projecteurs sur une pratique inquiétante à La Poste : l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pour surveiller ses salariés. Dans une enquête intitulée « L’intelligence artificielle a-t-elle pris le contrôle de notre quotidien ? », diffusée à une heure de grande écoute sur France 2, Élise Lucet et son équipe révèlent comment l’entreprise publique scrute les performances de ses conseillers clientèle à l’aide d’un logiciel nommé Quality Monitoring. Ce dispositif, censé améliorer la qualité du service, soulève de sérieuses questions éthiques. Le succès d’audience de l’émission tend à montrer l’intérêt du public pour le sujet avec près d’1,5 millions de téléspectateurs, plaçant le programme sur la troisième marche du podium de l’audimat.
📈audiences
— France TV Pro (@francetvpro) April 11, 2025
🔴 Belle audience hier soir pour @cashinvestigati consacré à l’IA présenté par @EliseLucet
1M5 TVSP
16,8% de PdA sur les 15/34 ans
11% de PdA sur les FRDA 15/49 ans
➡️à revoir sur https://t.co/JqV7mXAoWY#CashInvestigationhttps://t.co/GuqQGKJz6E
Le système d’intelligence artificielle décrit à La Poste analyse chaque appel téléphonique selon une vingtaine de critères : se présenter dès le début, prévenir en cas de mise en attente, rester poli, conclure par des remerciements. Chaque conversation est notée, avec un score traduit en couleurs : vert pour un travail satisfaisant, orange ou rouge pour des performances jugées insuffisantes.
Les failles de la surveillance par intelligence artificielle
L’objectif ? Atteindre un seuil de 75 % de conformité. Mais un cadre anonyme, surnommé Hervé, dénonce dans le reportage des failles : selon lui l’IA peut mal interpréter certaines situations, comme lorsqu’un employé expérimenté reçoit une note de 25 % malgré un professionnalisme reconnu.
Ces erreurs ne sont pas anodines. Elles alimentent un climat de pression constante, dans lequel les salariés se sentent épiés en permanence. « Jamais je n’aurais imaginé qu’on en arriverait là », confie Hervé, dénonçant une surveillance qui outrepasse le cadre de la formation. La Poste, contactée, minimise : seuls 10 % des appels seraient analysés, dans un but d’amélioration continue. Pourtant, l’absence de transparence sur l’usage des données recueillies inquiète. Les employés, souvent non informés de cette surveillance, voient leur vie professionnelle disséquée par une machine.
La CNIL, interrogée dans le documentaire, rappelle que les salariés peuvent contester ces pratiques auprès de leur employeur ou saisir la justice en cas d’abus. Mais pour beaucoup, le recours reste théorique face à une institution comme La Poste. Cette enquête met en lumière un paradoxe : alors que l’IA promet une meilleure efficacité, elle risque de déshumaniser le travail, transformant les salariés en données à optimiser. Dans un contexte où la confiance dans les institutions publiques est fragile, ce type de surveillance pourrait accentuer le malaise social.