Pénuries de médicaments : une amélioration en trompe-l’œil

Si les ruptures de stock de médicaments ont diminué en 2024, avec 400 présentations en pénurie contre 800 en 2022-2023 selon l’ANSM, la situation reste préoccupante. Derrière les chiffres, un système fragile qui expose toujours les patients à des risques importants.
La France respire-t-elle enfin face aux pénuries de médicaments ? À en croire les données publiées le 27 mars par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et la Drees, les ruptures de stock ont reculé, passant de 800 présentations simultanément indisponibles lors du pic de l’hiver 2022-2023 à 400 fin 2024. Une baisse saluée par Laurence Peyraut, du Leem (Les entreprises du médicament), qui affirme sur franceinfo : «nous sommes revenus à la situation d’avant Covid».
Pourtant avec 400 médicaments encore manquants et 1 200 à risque de rupture, le niveau reste «très élevé» par rapport aux 250 de 2020 ou à la centaine de 2017.
Des patients toujours en danger de mort
Ces pénuries touchent en priorité les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), ceux dont l’absence peut mettre des vies en danger. Antibiotiques comme l’amoxicilline, traitements cardiovasculaires (30% des ruptures), ou encore anticancéreux : aucune classe n’est épargnée. Au pire de la crise, 8 millions de boîtes ont manqué mensuellement dans les pharmacies, soit jusqu’à 10% des ventes de MITM. Si les stocks médians sont passés de 1,3 à 2 mois pour les produits à risque, cette maigre progression ne rassure guère. En 2024, seulement cinq substituts en moyenne étaient disponibles par médicament en crise.
Les causes de cette pénurie sont multiples. Est parfois pointé du doigt la crise sanitaire et la guerre en Ukraine qui ont fragilisé les chaînes mondiales de production, mais les explications des laboratoires restent floues : seuls 10% des cas seraient liés à des problèmes de matières premières, le reste se perdant dans des «augmentations de la demande». Face à ce phénomène, l’ANSM a sanctionné à hauteur de 8 millions d’euros d’amendes en 2024 contre 11 laboratoires pour stocks insuffisants.
Les mesures prises, comme limiter les ventes à une boîte par personne ou interdire les exportations, ont certes permis une amélioration sans pour autant mettre fin aux pénuries.
Le Leem réclame une coordination européenne et une révision des prix, arguant que les tarifs français, «les plus bas d’Europe», découragent la production locale. Une revendication légitime, peut-être, mais qui élude une question plus gênante : pourquoi un pays comme la France, sixième puissance mondiale, peine-t-il encore à garantir l’accès à des traitements essentiels ?