Des sanctions contre Moscou inefficaces ? Un centre d'études français admet 4 milliards d'euros de pertes en exportations
Alors que l’Union européenne planche sur un douzième paquet de sanctions à l’encontre de la Russie, un rapport d'un centre d’études lié à Matignon admet une perte de 4 milliards d’euros pour les exportateurs français et s'interroge aussi sur l'efficacité des sanctions.
«Faible dans l’ensemble» ? A en croire le Centre d’études prospectives et d'informations internationales (Cepii), le coût pour les exportateurs français des sanctions européennes contre la Russie serait marginal. Les 11 premiers trains de sanctions visant Moscou n'auraient ainsi entraîné qu'une «perte de marché limitée» pour les 145 000 exportateurs français, relativisent les auteurs d’une note publiée ce 27 novembre, qui se veulent optimistes.
Mais entre les lignes, plusieurs chiffres sautent aux yeux. «L’ensemble des produits soumis aux sanctions correspond à moins de 1% de la valeur des exportations françaises de 2021 (0,8%), soit environ 4 milliards d'euros», admettent-ils d'abord.
Plus de 2 400 entreprises impactées
Selon eux, pour les exportateurs tricolores, l'impact des sanctions décidées par Bruxelles en réaction à l'offensive russe en Ukraine se concentre dans trois secteurs : les matériels de transport (dont l'aéronautique), la chimie et les machines.
Parmi les 2 436 entreprises de l'Hexagone concernées par des restrictions à leurs exportations vers la Russie, on dénombre ainsi 809 firmes spécialisées dans les machines, 554 entreprises de la chimie et 206 professionnels des transports.
En valeur, les entreprises du transport ont dû digérer à elles seules près de la moitié des 4 milliards de pertes engendrées en France par les sanctions européennes. Mais les conséquences économiques de ces mesures de rétorsion auraient été atténuées par «une déviation du commerce vers les pays voisins de la Russie», relèvent les auteurs de la note.
Ces chiffres «interrogent l'efficacité des sanctions commerciales»
«Alors que les exportations françaises à destination de la Russie ont diminué de 52% entre 2021 et 2022, celles vers le Kazakhstan, l’Arménie et le Kirghizstan ont augmenté de 85%, 62% et 44% respectivement», constatent-ils.
Un phénomène qui «réduit le coût des restrictions et de l’incertitude liée à la guerre pour les entreprises françaises, mais interroge l’efficacité des sanctions commerciales» de l'Union européenne, notent les deux auteurs. Le tout deux semaines après la proposition par la Commission européenne d’un douzième paquet de sanctions contre la Russie.
Ces chiffres du Cepii, ne concernant que les exportations françaises vers la Russie, contrastent toutefois avec ceux de la Commission européenne qui indiquent en novembre 2023 une chute de 84% du volume des importations de l’UE depuis la Russie entre février 2022 et juin 2023, passant de 21,2 à 3,3 milliards d'euros.
Une tendance soulignée début novembre par le vice-ministre russe des Affaires étrangères Alexandre Grouchko qui avait avancé le montant de 1 500 milliards de dollars quant au préjudice économique estimé que les pays européens auraient subi du fait des sanctions antirusses.
Dans l'UE, l'unanimisme demeure face aux sanctions. A quelques notables exceptions près. La Hongrie se fait ainsi remarquer par sa capacité critique. «Il est tout à fait légitime de se demander comment nous pouvons avoir une discussion de fond sur un douzième paquet de sanctions alors qu'aucune analyse globale des effets des 11 premiers paquets de sanctions n'a en réalité été préparé», avait déclaré à la presse, mi-novembre, le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto. «Le fait est que l’économie européenne a au moins reçu une balle dans le pied avec les sanctions», avait également estimé le diplomate, peu avant l’annonce du futur paquet de sanctions.