La France a commencé à utiliser des armes chimiques en Algérie dès 1830, affirme un chercheur algérien

Dès 1830, pendant la conquête, l'armée française aurait eu recours à des méthodes particulièrement brutales, y compris l'usage de substances chimiques toxiques. Ce sujet assez méconnu de l’histoire coloniale s’ajoute au traditionnel dossier de contentieux historique entre Alger et Paris : les essais nucléaires dans le désert algérien.
La France coloniale a commencé à utiliser les armes chimiques contre la population algérienne dès 1830, date du début de la colonisation française du pays, rapporte le 13 mars l’agence de presse d’État algérienne APS, citant le chercheur en génie nucléaire Amar Mansouri. Ce dernier a précisé que la première utilisation de ce type d’armes, cette année-là, avait fait au moins 760 victimes.
Se basant sur des témoignages d’officiers français, l’expert algérien a expliqué par ailleurs lors d’une interview accordée à la Radio algérienne qu’entre 1830 et 1962, il y a eu «300 utilisations d’armes chimiques contre les Algériens, alors 800 villages ont été détruits au napalm et 800 000 tonnes de TNT ont été déversées sur plusieurs régions du sud du pays».
«En 1845, au moins 1 000 personnes de la tribu d’Ouled Ryah [à Mostaganem, dans le nord-ouest du pays] ont été tuées par asphyxie dans une grotte», a-t-il relevé, déplorant la triste expression d’un général de l'armée française qui se vantait de «griller les Arabes». Il s’agit de «génocides répétés», selon le scientifique qui cite l’utilisation du chloroforme et du phosphore pour la première fois en 1852 lors de l’envahissement de Laghouat par 6 000 soldats français, faisant 3 586 victimes.
Le chercheur algérien a ajouté qu'en 1930, toutes les armes chimiques ont été utilisées au polygone de Touggourt puis à Beni Ounif et Oued Namous dans le Sud algérien. Il a précisé que les gaz utilisés (sarin, moutarde, butane, phosphore...) avaient des effets néfastes sur le système nerveux, provoquant des brûlures et s’attaquant aux différents organes de l'être humain, ajoutant que le plutonium, utilisé à l’air libre, était un gaz d'une durée de vie de 241 000 ans.
Épisode des «enfumades»
Bien que l'utilisation d'armes chimiques par la France en Algérie soit un dossier complexe et controversé et reste un sujet assez méconnu de l'histoire coloniale française en Algérie, des historiens et des journalistes ont recueilli des témoignages d'anciens militaires français qui ont participé à ces opérations. Ces témoignages décrivent l'utilisation de gaz mortels dans les grottes, entraînant la mort de nombreux Algériens.
La France a signé le Protocole de Genève de 1925 interdisant l'utilisation d'armes chimiques, mais des documents et des témoignages montrent que ces armes ont été utilisées malgré l'interdiction. Les «enfumades» sont mentionnées comme une pratique utilisée par l'armée française dès le début de la colonisation de l'Algérie, impliquant l'utilisation de feux pour asphyxier les populations réfugiées dans les grottes. Ces pratiques remontent aux années 1840, selon plusieurs témoignages.
L’un des épisodes les plus marquants reste l’usage du dioxyde de soufre par le général Bugeaud dans les années 1840 pour asphyxier des résistants algériens retranchés dans des grottes. Ces pratiques s'inscrivent dans une guerre coloniale extrêmement violente, marquée par des massacres, des destructions de villages, et des politiques de terre brûlée visant à soumettre la population algérienne. Ce passé continue d'alimenter des débats mémoriels entre la France et l'Algérie.
Amar Mansouri a indiqué que l’Algérie avait le droit légitime d’exiger de la France de nettoyer les sites contaminés par les armes chimiques et les explosions nucléaires.
Les essais nucléaires, traditionnel dossier de contentieux
L’Algérie considère les essais nucléaires menés par les autorités coloniales françaises dans le Sud algérien comme «des crimes contre l'humanité» qui engagent la responsabilité juridique et politique de Paris. Selon Alger, la France aurait effectué, entre 1960 et 1966, 57 essais nucléaires dans le Sahara algérien, tandis que Paris et la presse française n’en reconnaissent que seulement 17. Plus de six décennies après, ce dossier épineux se heurte toujours aux frustrations du passé colonial qui pèse lourdement sur les relations bilatérales entre les deux pays.
Bien que le dossier des explosions nucléaires ait été abordé à plusieurs reprises, notamment lors de la 9e session des consultations politiques algéro-françaises, tenue en janvier 2023 à Alger, ou encore lors de la visite d’État d’Emmanuel Macron à Alger en août 2022, cette question figure toujours parmi les «dossiers qui hypothèquent les efforts de développement des relations bilatérales», selon les mots du chef de la diplomatie algérienne Ahmed Attaf.
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a affirmé à plusieurs reprises, dans des déclarations à la presse, que les Algériens attendaient «une reconnaissance totale de tous les crimes commis par la France coloniale». «Vous êtes devenus une puissance nucléaire et nous, nous sommes tombés malades. Venez nettoyer [...]. Il y a des gens qui meurent encore», a-t-il notamment fustigé en octobre dernier.