«Tentative de déstabilisation» : Paris réagit aux accusations d’Alger
«Des accusations infondées», estime Jean-Noël Barrot après la convocation de l'ambassadeur de France par les autorités algériennes pour s’expliquer sur la participation des services de renseignement français à des projets visant à déstabiliser l'Algérie.
Le ministre démissionnaire français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a dénoncé le 15 décembre au soir, lors d’une interview avec France Inter, ce qu’il a qualifié d’«accusations infondées et fantaisistes» de la part d'Alger, selon lesquelles les services de renseignement français (la DGSE) seraient impliqués dans des actes visant la déstabilisation de l’Algérie. Barrot a confirmé par la même occasion la convocation de l'ambassadeur français par le gouvernement algérien ; une démarche qu’il a dit «regretter».
Plus tôt dans la journée, les médias nationaux algériens avaient révélé que le ministère des Affaires étrangères du pays avait récemment convoqué l'ambassadeur de France à Alger, Stéphane Romatet, pour «lui signifier la ferme réprobation des plus hautes autorités algériennes face aux nombreuses provocations et actes hostiles français en direction de l'Algérie», tout en soulignant, avec une «fermeté absolue», que «ces agissements ne sauraient rester sans conséquences».
Au cœur de cet énième épisode de tensions entre les deux pays, un documentaire diffusé récemment sur des chaînes publiques algériennes, révélant que les services de renseignements algériens avaient déjoué un complot impliquant leurs homologues français. Dans ce documentaire, Mohamed Amine Aïssaoui, un ancien djihadiste de l’organisation État islamique (EI), aujourd’hui repenti, affirmait, à visage découvert, avoir été chargé de se rapprocher des islamistes radicaux à Alger et Oran et de collecter des informations sur eux pour le compte des renseignements français.
Les services de sécurité algériens, indique-t-il, étaient constamment informés de ses échanges et lui auraient fourni de fausses listes de radicaux à livrer aux Français, avant de lui demander de cesser ses contacts avec eux. Selon le récit de Mohamed Amine Aïssaoui, la DGSE voulait notamment l’envoyer au Niger moyennant 50 000 euros de frais pour intégrer un groupe armé, mais le projet a été annulé à la suite du coup d’État de juillet 2023 dans ce pays.
Le Sahara occidental à l’origine de la crise diplomatique
À l’origine de la crise diplomatique entre Alger et Paris : la reconnaissance par Emmanuel Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental le 30 juillet dernier, suivie par la décision de l’Algérie de retirer «avec effet immédiat» son ambassadeur en France. A l'automne, le chef de l’État Abdelmadjid Tebboune, réélu en septembre, a catégoriquement rejeté l’idée d’une visite en France, plusieurs fois reportée auparavant sur fond de chauds et froids récurrents entre les deux pays.
Alors qu’Alger avait rompu ses relations diplomatiques avec Rabat en août 2021, Paris a réenclenché en février dernier un processus de réchauffement avec le royaume nord-africain, couronné fin octobre par la visite d’État d'Emmanuel Macron au Maroc, au risque de voir se détériorer davantage les relations avec l’Algérie qui sont au plus bas depuis des années. La discorde s'articule autour de plusieurs thèmes, dont l'héritage de la colonisation française (1830-1962) qui pèse encore très lourd dans les rapports entre les deux pays.
Le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, est considéré comme un «territoire non autonome» par l’ONU en l’absence de règlement définitif. Depuis près de 50 ans, un conflit armé y oppose le Maroc aux indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie voisine. Rabat prône un plan d’autonomie sous sa souveraineté exclusive, tandis que l’Algérie et le Polisario réclament un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU, prévu lors de la signature en 1991 d’un cessez-le-feu, mais jamais concrétisé.