Sanctions secondaires : les menaces ne fonctionnent plus

Sanctions secondaires : les menaces ne fonctionnent plus Source: Sputnik
Sanctions secondaires : les menaces ne fonctionnent plus [image d'illustration]
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Dans la course aux matières premières bon marché, les sanctions secondaires, promises par l'administration américaine, ne semblent pas dissuader l'Inde ou la Chine d'acheter du gaz et du pétrole russes. Les explications de l'écrivain Dmitri Lékoukh.

En fait, comme on pouvait s’y attendre, la réponse à l'épineuse question « Pourquoi Trump reporte-t-il la décision sur les sanctions secondaires ? » (une réponse, qui, d’ailleurs, ne plaira certainement pas aux instigateurs de ces restrictions en Europe et en Amérique), a bien évidemment non seulement un fondement politique, mais également une justification économique. La seule différence, alors que l’aspect politique du problème a été traité avec succès par les présidents russe et américain en Alaska, est que deux autres grandes puissances, l’Inde et la Chine, contre lesquelles il aurait fallu, d’après les instigateurs, imposer des sanctions anti-russes secondaires pour « avoir financé la guerre » par l’achat d’énergie russe, ont répondu avec la plus grande assurance quant à l’aspect économique de la question.

Ainsi, dans le contexte des menaces d’augmentation des tarifs douaniers, la Chine a continué activement de stocker du pétrole en juillet. Et, à en juger par les informations de Reuters, le surplus en un seul mois, probablement gardé en stockage, était d’environ 530 000 barils par jour (bpj). Ce qui est très révélateur, en sachant qui est le principal fournisseur de pétrole de l’Empire céleste. La situation est à peu près la même pour le gaz, même sans tenir compte des gazoducs Force de Sibérie et de ceux passant par le Kazakhstan. Selon la Direction générale des douanes de la Chine, pour le seul mois de juin 2025 (les données pour juillet manquent toujours) la Chine a importé un volume mensuel maximal de gaz naturel liquéfié depuis le début de l’année, soit 5,44 millions de tonnes (sous forme gazeuse cela représente 7,074 milliards de mètres cubes), et les importations de GNL par la Chine augmentent de mois en mois au second trimestre. Si à ces chiffres, montrant la croissance des achats, on ajoute les déclarations des responsables chinois sur les sanctions secondaires, il devient clair que la Chine est prête à une guerre commerciale avec l’Occident et n’a pas l’intention de perdre son avantage concurrentiel dans cette guerre, à savoir des approvisionnements stables et relativement peu coûteux en matières premières énergétiques de la Russie.

Сhaque responsable politique américain en particulier, et occidental en général, évoquant des sanctions secondaires, doit comprendre cela très nettement, et se rendre compte des conséquences possibles d'initiatives mal conçues.

En ce qui concerne l'Inde, on observe à peu près les mêmes données, plus révélatrices encore, parce que les droits de douane, bien que reportés, ont déjà été introduits contre New Delhi. Ainsi, comme nous le rapporte la branche indienne de The Economic Times, les importations de pétrole russe vers les marchés indiens en août, après l’introduction des « droits de douane de Trump », ont augmenté jusqu'à un record de 2 millions bpj. Le journal cite les données des analystes de Kpler selon lesquels, sur 5,2 millions de barils de pétrole brut achetés par l’Inde en août, 38 % étaient importés de Russie. En juillet, les livraisons de pétrole russe étaient estimées à un volume bien inférieur : 1,6 million de barils. Il est important à cet égard de noter que le président de l'Indian Oil Corporation Arvinder Singh Sahney, dans une interview à The Economic Times, a intentionnellement souligné : les autorités du pays n’ont donné aucune instruction quant au remplacement du pétrole russe. « On ne nous dit pas d’acheter ou de ne pas acheter. Nous ne faisons aucun effort supplémentaire pour augmenter ou diminuer la part du pétrole russe », a-t-il assuré.

Cette déclaration est en fait très significative : elle souligne encore une fois le fait mathématique que ce ne sont pas seulement les autorités indiennes qui privilégient l’énergie russe, mais aussi le fondement de la souveraineté du pays – son économie en pleine croissance. L’actuel président américain, qui se considère comme un pragmatique, un réaliste, voire un homme d’affaires, ne peut pas ignorer cette nouvelle et dure réalité.

Il n’est donc pas surprenant que les initiateurs des sanctions secondaires n’y aient pas été prêts : il y a encore quelques années, une telle évolution était inimaginable.

L’avènement des BRICS

Que s’est-il donc passé pour que tout change si rapidement selon les normes historiques et que les deux plus grands consommateurs d’énergie russe (deux grandes puissances souveraines qui ne semblent pas avoir beaucoup d’affection l’une pour l’autre) répondent de manière claire et non équivoque à une question pas si évidente, venue, dans leur cas, de l'autre côté du Pacifique ?

En fait, tout est très simple : l’avènement des BRICS.

Lors du dernier sommet des BRICS au Brésil, des chiffres considérables sur la production et la consommation ont été présentés (j’ai été particulièrement impressionné par l’exemple de Vladimir Poutine sur les marchés céréaliers). Ils ont assez clairement prouvé aux pays membres du groupe que rien ne s’effondrerait grâce aux efforts connus en matière de logistique, même si l’Occident bloquait complètement l’accès à ses marchés précieux.

Bien sûr, ce ne sera pas très agréable, personne ne le nie, mais l’économie résistera et, avec le temps, toutes les pertes seront compensées grâce au commerce mutuel direct. De plus, l’un des marchés occidentaux les plus précieux et « appétissants », celui de l’Europe, se trouve déjà dans un état assez grave et perd rapidement sa supériorité technologique, ce qui le rend de moins en moins intéressant en tant qu’exportateur. Et en tant qu’importateur également en raison du déclin progressif de sa production, qui n’a plus tellement besoin de matériaux ou d’équipements, ainsi que de l’appauvrissement de sa population, qui n’a pas assez d’argent pour acheter des produits finis. Mais avec un soutien tel que celui des marchés potentiels des BRICS, même le pire scénario dans une guerre commerciale avec un Occident déjà en déclin n’est plus si effrayant.

Personne ne dit que ce sera facile, mais l’Est sait faire preuve de patience.

Avec de telles cartes en main, il est même assez risqué de bluffer dans ce poker de sanctions et de droits de douane. C’est ce que les économistes compétents de l’entourage de l’actuel président américain ne peuvent pas ignorer. C’est pourquoi, à vrai dire, la rencontre en Alaska était tout autant nécessaire à Trump qu’à Poutine : l’intérêt est mutuel. Dans ce nouveau monde, même en matière de sanctions et de droits de douane si cher à Trump, il faut des mesures et des paramètres délicats, pas nécessairement amicaux mais extrêmement précis : les menaces ne fonctionnent plus. Ainsi, l’actuelle question ukrainienne, qui ne représente plus depuis longtemps un challenge mais un fardeau, de même que l’obsession européenne, ne fera que nous gêner, ainsi que gêner les Américains, et même les Chinois et les Indiens. Les personnes sensées comprennent tout simplement que le monde qui s’en va ne peut plus être sauvé et que le nouveau monde qui émerge est encore trop fragile. Et ces singes avec des grenades lui sont complètement inutiles, pour l’instant du moins.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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