Dans un contexte de refondation politique et économique, Dr Alioune Dione, ministre sénégalais de la Microfinance, de l’Économie sociale et solidaire fait part à RT en français des grands axes du changement porté par l’administration Diomaye Faye : entre ambition sociale, réformes structurelles et ouverture diplomatique assumée.
Le Sénégal fait face à une réalité sociale préoccupante : selon la Banque mondiale, 38 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, alors même que le coût de la vie y est l’un des plus élevés du continent. Comment expliquer ce paradoxe ? Pour Alioune Dione, la réponse est claire : «Parce qu'on avait une économie spéculative. Si vous regardez bien, on avait des PIB qui augmentaient, mais l'essentiel des acteurs n'était pas la population». Le ministre prend un exemple concret : «Avec le foncier, c'est le meilleur moyen de faire des blanchiments d'argent. C'est le meilleur moyen d'avoir une économie spéculative».
Face à ce constat, une question s’impose : que faire ? Pour le ministre, la réponse passe par la structuration de l’économie solidaire : «Si on parvient à structurer l'ensemble de ces organisations qui sont dans la production solidaire, les sociétés coopératives, les groupements d'intérêt économique, les associations des entrepreneurs responsables, et qu'on leur accorde des moyens sur le plan technologique, financier, et qu'on mette également toute cette création de richesses en réseau, il est évident qu'on va faire baisser la pauvreté».
Le ministre insiste pourtant : sortir de la pauvreté ne se réalise pas en un claquement de doigts. C’est un processus graduel, par étapes. D’abord, éliminer l’extrême pauvreté, ce qui est selon lui «réalisable». Ensuite, s’attaquer à la pauvreté dite multidimensionnelle : celle qui touche à l’accès à la santé, à l’éducation, à l’eau, à l’électricité. Enfin, rendre viables les systèmes de production, en créant des opportunités réelles, notamment pour les jeunes : «Si, par exemple, les jeunes délaissent l'agriculture, c'est justement parce qu'il n'y a pas d'opportunité».
Un ministère à la croisée des secteurs
Si l’économie solidaire joue un rôle crucial dans la lutte contre la pauvreté, le ministère qui la promeut a, lui aussi, une mission particulière. Conçu comme un trait d’union entre les exclus du système traditionnel et les politiques publiques, ce ministère s’attache à combler les failles structurelles d’un modèle de développement depuis longtemps inégal. Alioune Dione évoque d’abord les limites des approches du passé : «On avait une prédominance des financements individuels. Ces financements n'ont pas fait preuve d'efficacité, ils n'ont pas donné de résultats.»
Pour répondre à cette impasse, le ministère mise désormais sur une stratégie plus globale et plus intégrée. «Mais les cibles, notamment les artisans, les pêcheurs, les agriculteurs, les paysans, les éleveurs sont dans d'autres ministères. Et pour pouvoir maintenant booster la création de richesses, il est important qu'il puisse y avoir une synergie entre l'ensemble de ces secteurs et sous-secteurs», souligne le ministre. C’est dans cet esprit de coopération entre secteurs que s’inscrit le programme PROGRESS : Programme d’appui aux acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Sénégal 2050 : l’économie solidaire au cœur de la vision
Le Plan Sénégal 2050 affiche des objectifs ambitieux : tripler le PIB par habitant d’ici 25 ans et réduire la pauvreté à 10 %. Mais pour Alioune Dione, ces objectifs sont parfaitement atteignables : «C'est un objectif très réaliste. Je ne dis même pas assez réaliste, mais très réaliste».
Dans sa déclinaison concrète, le Plan Sénégal 2050 donne à l’économie solidaire un rôle de catalyseur. Comment ? D’abord, en valorisant les productions locales issues des coopératives et des structures communautaires. Ensuite, en en faisant un levier de développement pour les terroirs. Enfin, en stimulant une innovation sociale adaptée aux besoins réels des populations. Autrement dit, une triple promesse : production, innovation et ancrage local.
S'ouvrir au monde, en restant maître de ses choix
Si le Sénégal reste fidèle à sa tradition d’ouverture, il affirme aujourd’hui plus que jamais, ses priorités stratégiques. «Le Sénégal a toujours été un pays ouvert. Et d'ailleurs, cela va être renforcé par le régime actuel qui est un régime souverainiste», souligne Alioune Dione. Cette souveraineté, précise-t-il, n’est pas synonyme d’isolement, mais de partenariat équilibré : «Souveraineté, c'est juste avoir le sens des intérêts de son propre pays.»
Dans cette logique de coopération «gagnant-gagnant», les relations bilatérales avec la Russie occupent une place particulière. Le ministre en donne un exemple concret : «Je crois que la coopération se porte bien parce que j'ai eu connaissance d'une invitation du président russe au président Diomaye Faye. Et ça, ça illustre la vitalité de cette coopération».
Une nouvelle époque, un nouveau souffle
L'entretien avec Alioune Dione reflète une dynamique de transformation profonde. Plus qu'un simple discours politique, c'est une stratégie qui se veut réaliste, inclusive et connectée aux aspirations du peuple sénégalais. Si les défis sont nombreux, la volonté de rupture avec les anciennes pratiques semble bien réelle.
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