«Pas de place pour Bezos» : des Vénitiens menacent de bloquer le mariage du milliardaire américain

Des affiches sur les ponts, des appels à bloquer les canaux et une contestation grandissante : à Venise, les habitants s’opposent au mariage du milliardaire Jeff Bezos, prévu fin juin. Pour eux, cette célébration incarne une ville livrée au tourisme de luxe, conçue pour les puissants et désertée par les siens.

À Venise, l’annonce du mariage de Jeff Bezos et Lauren Sánchez, prévu entre le 24 et le 28 juin, a déclenché une véritable levée de boucliers. La cérémonie, estimée à plus de 10 millions de dollars, doit réunir environ 200 invités triés sur le volet, dont Kim Kardashian, Oprah Winfrey ou encore Ivanka Trump. Le tout, dans un décor classé, en pleine haute saison touristique.

Depuis le début du mois de juin, une campagne citoyenne s’organise contre cet événement jugé hors-sol. Le mot d’ordre est clair : « Pas de place pour Bezos ». Des banderoles ont été suspendues sur le pont du Rialto et la basilique San Giorgio Maggiore. Des autocollants, tracts et affiches ont envahi les ruelles du centre.

Le mouvement est mené par des collectifs locaux, unis autour de la figure de Federica Toninello, qui affirme que les manifestants « bloqueront les canaux avec des bateaux et des bouées », pour empêcher la tenue du mariage à la Misericordia, l’un des lieux envisagés.

Un rejet du modèle touristique imposé

La contestation vise moins les futurs mariés que ce qu’ils incarnent. Comme l’explique Toninello, « cette ville est devenue un décor pour riches », un lieu où les habitants de longue date sont progressivement évincés, chassés par des événements tape-à-l’œil et un tourisme de masse devenu incontrôlable. En quelques décennies, la population permanente de Venise est tombée sous les 49 000 habitants, contre 175 000 en 1950.

Pour les manifestants, cette mobilisation est aussi une manière de rappeler les difficultés croissantes que rencontrent les Vénitiens au quotidien : pénurie de logements accessibles, fermeture d’écoles, dégradation des transports publics et disparition des commerces de proximité. Des réalités vécues chaque jour, mais selon eux volontairement ignorées au profit d’une politique événementielle tournée vers les ultra-riches et les intérêts privés.

La mairie minimise, les habitants s’organisent

Le maire Luigi Brugnaro, lui, balaie les critiques et se dit « fier d’accueillir Bezos ». Il assure que les répercussions seront minimes : seuls 30 taxis nautiques réservés sur 280, une poignée d’hôtels mobilisés, et des préparatifs « dans le respect de la ville ». « Venise est habituée aux grands événements internationaux », soutient-il.

Mais l’organisation du mariage, validée avec le concours de Dolce & Gabbana, illustre encore une fois l’emprise croissante des grandes marques sur l’espace urbain. Stella Faye, autre voix du mouvement, fait preuve de détermination : « Nous avons une chance de saboter un mariage à dix millions de dollars – faisons-le ».

En dépit de cette mobilisation, les autorités assurent que l’événement ne sera qu’une simple parenthèse, sans conséquence pour les habitants ni les visiteurs. Et pour une partie des Vénitiens, cette union est perçue comme le symbole d’une ville réduite à un décor, de plus en plus inaccessible à ceux qui y vivent encore.