La BCEAO mobilise les banques centrales africaines autour de l’intelligence artificielle

La BCEAO a réuni les banques centrales africaines à Dakar, le 21 mai 2025, pour réfléchir ensemble aux usages de l’intelligence artificielle dans les systèmes financiers du continent. Cette rencontre illustre la volonté croissante des institutions africaines d’explorer les usages de l’intelligence artificielle.
La Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a organisé ce 21 mai à Dakar une conférence internationale consacrée à l’intelligence artificielle (IA) et à son rôle dans les systèmes financiers africains. L’événement a rassemblé plus de 150 participants, incluant des représentants de banques centrales africaines, d’institutions internationales, d’organismes de régulation, du monde académique et du secteur financier. Cette initiative s’inscrit dans une dynamique de transformation numérique accélérée, où l’IA s’impose comme un outil stratégique pour renforcer la stabilité financière et moderniser les politiques monétaires.
La rencontre visait à « partager les expériences concernant les applications concrètes de l’IA et les innovations qu’elle suscite », notamment dans les domaines bancaire et réglementaire. Jean-Claude Kassi Brou, gouverneur de la BCEAO, a rappelé que l’IA, bien que son usage reste encore « embryonnaire » dans les banques centrales, représente déjà « une révolution qui change en profondeur de nombreux domaines d’activités ». Il a également rappelé la création en juillet 2024 d’un Comité de Réflexion sur l’Intelligence Artificielle (CRIA), chargé de tracer une feuille de route pour une intégration progressive de cette technologie.
Vers une souveraineté numérique africaine
D’après Financial Afrik, l’IA pourrait générer jusqu’à 1 500 milliards de dollars pour l’économie africaine d’ici 2030. Ce potentiel a été souligné par Cheikh Diba, ministre sénégalais des Finances et du Budget, qui a rappelé que « l’Afrique ne doit plus se contenter d’être consommatrice de technologies, mais en devenir productrice ». Le Sénégal avance dans ce sens avec sa stratégie nationale baptisée « New Deal Technologique », visant à renforcer l’infrastructure numérique, promouvoir l’innovation locale et garantir un accès universel à Internet.
À l’échelle de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), plusieurs pays ont lancé des stratégies nationales d’IA. Selon L’Économiste Sénégal, ces stratégies visent à moderniser les services publics et à améliorer la compétitivité économique, notamment dans l’agriculture, la santé, l’éducation et l’administration. La conférence de Dakar a mis en lumière l’importance d’une coordination régionale pour bâtir un environnement favorable à l’adoption de ces technologies.
Prudence, régulation et contrôle souverain
Toutefois, les enjeux liés à l’IA ne sont pas uniquement technologiques. Les dirigeants présents ont insisté sur la nécessité d’une gouvernance prudente, notamment en matière de gestion des données et de cybersécurité. Yvon Sana Bangui, gouverneur de la Banque des États d’Afrique Centrale (BEAC), a appelé à la création d’un cadre de centralisation sécurisé des données pour garantir la fiabilité des algorithmes utilisés par les institutions financières. Le président de l’AMF-UMOA, Paul Koffi Koffi, a pour sa part mis en garde contre une adoption précipitée qui risquerait de « perturber le système ».
Cette conférence a aussi rappelé que l’adoption de l’IA doit aller de pair avec un renforcement des compétences humaines. La formation et la sensibilisation des équipes des banques centrales sont perçues comme des conditions essentielles pour un déploiement réussi. Des recommandations concrètes devraient émerger de ces échanges pour orienter les prochaines étapes du processus.
Dans un contexte international où les outils technologiques sont principalement occidentaux, l’Afrique, par cette initiative de la BCEAO, tente de maîtriser ses choix et de tracer une voie indépendante, tournée vers l’innovation utile et la souveraineté technologique.