Crise diplomatique : l’Algérie déconseille à ses diplomates de voyager en France

L’Algérie interdit à ses diplomates tout déplacement officiel vers la France, une décision qui illustre la dégradation persistante des relations entre les deux pays, sur fond de crise diplomatique majeure déclenchée en juillet 2024 par la reconnaissance par Emmanuel Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
Alger a récemment déconseillé à ses diplomates, fonctionnaires et leurs familles d'effectuer des voyages en France, y compris pour des raisons personnelles ou touristiques. Cette directive, émise le 13 mars par le ministère des Affaires étrangères algérien, s'étend également aux transits via les frontières françaises lors de déplacements vers d'autres destinations.
Cette mesure fait suite à plusieurs incidents où des diplomates algériens et leurs proches, bien que détenteurs de passeports diplomatiques, ont été refoulés aux frontières françaises. Parmi les cas notables cités dans la presse algérienne, figurent l'épouse de l'ambassadeur d'Algérie au Mali et Abdelaziz Khellaf, ancien directeur de cabinet de la présidence algérienne.
Par ailleurs, le 26 février, le ministère algérien des Affaires étrangères a exprimé sa surprise concernant l'annonce par la France de mesures restrictives visant des ressortissants algériens titulaires de documents de voyage spéciaux les exemptant de visas. Alger a dénoncé cette décision comme une «provocation» et a averti que toute mesure attentatoire à ses intérêts entraînerait des mesures réciproques «strictes et immédiates».
Rupture symbolique
La France a également envisagé des sanctions contre la compagnie aérienne nationale algérienne, Air Algérie, et en restreignant les facilités accordées aux élites algériennes. Selon la presse française, ces mesures pourraient inclure la réduction des créneaux de vols pour Air Algérie ou même l'interdiction totale de la compagnie sur le territoire français.
En vedette dans cette récente escalade se trouve le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau. Depuis son arrivée au pouvoir en septembre, il a multiplié les déclarations hostiles à l'Algérie ainsi que les appels à durcir le «rapport de force» sur les questions qui divisent les deux pays. «Pourquoi est-ce que la France fait preuve d'une aussi grande faiblesse vis-à-vis de l'Algérie ? Je pense qu'il faut [...] poser un rapport de force», a-t-il notamment déclaré en février.
Ces événements sont perçus par Alger comme des atteintes à sa souveraineté et à son statut diplomatique. Sa décision d’interdire les déplacements de ses diplomates en France marque ainsi une rupture symbolique dans les relations bilatérales avec Paris. Pendant ce temps, les échanges institutionnels sont au ralenti, bien que les ambassades restent ouvertes.
Contournement des restrictions
Le 9 mars, l'Algérie a notamment signé un accord d'exemption de visa avec la Slovénie, permettant à ses hauts dignitaires de voyager plus librement à travers l'espace Schengen sans passer par la France. Cette stratégie vise à contourner les restrictions imposées par la France et à diversifier les partenariats diplomatiques de l'Algérie
La crise diplomatique entre Paris et Alger remonte à fin juillet 2024 quand Emmanuel Macron a reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Les dirigeants des deux pays multiplient depuis les joutes verbales et les accusations réciproques dans un contexte de plus en plus tendu, qualifié début février par Abdelmadjid Tebboune de «délétère».
Ces tensions s'inscrivent dans un contexte de relations franco-algériennes déjà fragilisées par divers différends, notamment liés à la mémoire coloniale, aux questions migratoires et à des positions divergentes sur des dossiers stratégiques.